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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

fougue aventureuse et son effronterie, l’âge mûr que se partagent l’intérêt et l’ambition, la vieillesse enfin, la vieillesse rampante,

La teste farineuse et le front marqueté,
Traînant avecque soy mainte incommodité ;


les maladies de l’esprit et du corps, la folie qui fait

Banqueter, caroller[1], danser à la Morisque,


quand on devrait travailler et méditer, la crainte de périr empoisonné

D’avoir mangé, peu caut, potirons[2] ou ciguë ;


les accidents, les inimitiés, rendent la vie ridicule et affligeante ; le sommeil lui-même, ce bienfait, on ne peut le goûter en paix :

Nature, toutefois, ce bien à l’homme envie,
Sa joye entre-rompant des poignans piquerons
De punaises, de pouils, puces et moucherons,
Afin que jour et nuict il ne soit sans étrainte.

La mort, qui nous délivre, est-elle donc un si grand mal ? se demande notre poète, à qui il échappe,

  1. Caroler, vieux verbe qui veut dire danser, se divertir. — Morisque, « danse de caractère dans le genre mauresque, et qui se faisait aux flambeaux, » dit M. A. de la Borderie, annotant un passage d’une lettre de rémission accordée par le Roi Louis XII à Jean Bodart, Nantais. (Mélanges publiés par la Société des Bibliophiles Bretons, t. II, p. 248.)
  2. Potiron, ancien synonyme de champignon, fort en usage à Nantes et aux environs. Le Dictionnaire de Trévoux donne l’étymologie grecque, pottairion, gobelet, à cause qu’il ressemble à un gobelet renversé.