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Page:Hall - Les trois chercheurs de pistes, 1886.djvu/34

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aucune fatigue, quoiqu’il eut passé tout le jour en selle. Il sauta lestement à terre et débarrassa son cheval de sa selle et de sa bride, et se mettant à lui parler comme à un ami, il lui dit :

— « Pieds Légers, » vieux compagnon, on a l’air morfondu, n’est-ce pas ? V’là une bonne quantité de nourriture, et la rivière est là qui murmure pour t’inviter à y aller boire. Pour moi j’suis prêt à dîner ici et j’ai hâte de mâcher quelque chose.

Le Caddo ne ramp’ra pas par ici avant le soleil levé, j’pense, et j’vas aller faire un p’tit tour avant que l’heure arrive. Cré nom de chiens, que j’suis devenu bilieux depuis que mes amis sont établis sur le Rio Concho ! et du diable si j’sais pourquoi ! j’ai déjà été embêté comme j’suis aujourd’hui, et il s’est toujours passé quelque chose de sérieux ensuite. J’espère que rien ne va mal là bas, mais on n’peut pas toujours dire quand un mauvais vent du nord va se lever pour nous geler les os.

C’est ainsi que ça se passe sur notre boule de boue, mon vieux « Pieds légers, » le malheur nous tombe dessus lorsqu’on y est le moins préparé.

Eh bien ! allons boire, ensuite tu pourras sauter dans ce seigle sauvage et ronfler fort ce soir, car je veux manger des punaises pendant les six prochaines lunes s’il ne m’arrive pas malheur ou à un de mes compagnons, avant que le soleil paraisse encore deux fois.

J’sens des Apaches dans l’air, et j’gagerais qu’il va y avoir une grosse moisson de chevelures pour moi et « Chat Rampant. » Les rayons du soleil paraissent pleins de sang. J’voudrais que le Caddo vint rôder par ici avant midi. Je ne m’ennuie pas ordinairement, mais aujourd’hui j’suis pas bon à grand’chose.

Pendant que l’éclaireur parlait ainsi, « Pieds légers » avait réussi à trouver un endroit sur la rive où il put boire, et il était revenu manger l’herbe avec une satisfaction évidente. De temps en temps cependant il levait la tête et regardait « Vieux Rocher » comme s’il eut voulu écouter avec plus d’attention quelques passages particuliers du monologue de son maître.