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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/124

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BEAUMARCHAIS.

ta faute ; tu as toujours donné dans la bagatelle ; tu devrais présentement briller dans la finance. Avec l’esprit que j’ai, morbleu ! j’aurais déjà fait plus d’une banqueroute. » Ainsi philosophe le Crispin de Lesage ; et, au dénouement, M. Orgon, pardonnant au fourbe et à son complice, leur tient ce discours : « Vous avez de l’esprit : mais il en faut faire un meilleur usage ; et pour vous rendre honnêtes gens, je veux vous mettre tous les deux dans les affaires ». Quelques années plus tard, Usbek rencontrera ces Crispin et ces Labranche, devenus riches, nobles et insolents, et il écrira à Ibben : « Le corps des laquais est plus respectable en France qu’ailleurs ; c’est un séminaire de grands seigneurs, il remplit les vides des autres états. Ceux qui le composent prennent la place des grands malheureux, des magistrats ruinés, des gentilshommes tués dans les fureurs de la guerre ; et quand ils ne peuvent pas suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides. »

Au spectacle de pareilles fortunes, le laquais, resté laquais, perdait le goût de sa condition et, en attendant que M. Orgon le mît dans les affaires, dissertait volontiers sur les injustices de la destinée. Tout en continuant de conduire l’intrigue, de complicité avec Lisette, les valets de comédie au xviiie