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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/152

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BEAUMARCHAIS.

des secondes. Certes, aujourd’hui les disputes des casuistes nous passionnent aussi peu que le procès des quinze louis. Mais dans les querelles des jésuites et des jansénistes il s’agissait, au fond, de la destinée du christianisme et d’un problème moral propre à intéresser l’humanité tout entière. À l’arrière-plan de l’affaire Goëzman nous n’apercevons qu’une émeute de badauds contre un Parlement impopulaire, un simple épisode d’histoire politique.

La comparaison littéraire est plus fâcheuse encore pour Beaumarchais. Les Provinciales sont un des chefs-d’œuvre de la langue française. Le style de Pascal, dit Nisard, est, « de tous les grands styles du xviie et du xviiie siècle, le plus soutenu. Tout y est de choix, et tout y est naturel. Ni la sévérité n’en gêne la liberté, ni la liberté n’y produit le relâchement. Rien n’y est vague, et rien n’y est commun. On ne fait pas de choix dans les œuvres de Pascal… » C’est tout le contraire qu’il faut dire du style de Beaumarchais, nous le verrons tout à l’heure.

« Ces mémoires, disait La Harpe, sont d’un genre et d’un ton qui ne pouvaient avoir de modèle, car il n’y en avait pas d’exemple. » Ce genre et ce ton sont ceux de l’éloquence judiciaire. Beaumarchais, en plaidant sa propre cause, a été un grand avocat, peut-être le plus grand des avocats français. Avant lui, le barreau n’avait rien produit de comparable aux mémoires contre Goëzman ou contre