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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/166

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BEAUMARCHAIS.

et il n’avait pas hésité à suivre ce conseil. Il eût pu pousser sans dommage plus loin la crainte de l’élégance ; car il y a encore dans le texte définitif du drame de la déclamation et de la recherche. Néanmoins, si l’on compare Eugénie aux productions de Diderot, la supériorité de Beaumarchais est évidente. Son intrigue est invraisemblable et embrouillée, ses caractères sont faiblement dessinés, son style est souvent apprêté ; mais, du moins, le dialogue a déjà dans son tour et dans sa marche de la vivacité, du naturel. Les personnages ne s’expriment pas, comme dans le Fils naturel ou dans le Père de famille, par des interjections incohérentes, que Diderot considérait comme le langage de la passion. Voltaire disait, après avoir causé avec Diderot : « Cet homme n’est pas fait pour le dialogue ». Dès son premier essai dramatique, on pouvait dire tout le contraire de Beaumarchais.

Mêmes qualités dans les Deux Amis, ou le Négociant de Lyon. Le dialogue y est plus alerte encore que dans Eugénie, et le mouvement scénique est plus franc, plus rapide. Mais toute la pièce repose sur un « postulat » absurde. Un commerçant de Lyon, Aurelly, va être mis en faillite s’il ne reçoit des fonds qui lui sont annoncés de Paris, mais par une mauvaise chance ces fonds sont justement arrêtés. Son ami, Milac, receveur des fermes, apprend la mauvaise nouvelle, et, pour combler le