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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/184

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BEAUMARCHAIS.

tromperont pas — Chacun y parle son langage ; eh ! que le dieu du naturel les préserve d’en parler un autre ! » C’est vrai : chacun parle « son langage » dans la Folle journée. Seulement, Figaro parle bel et bien le langage de l’auteur, et en cela, du reste, il obéit encore au « dieu du naturel », puisque Figaro, c’est Beaumarchais. Il doit donc avoir de l’esprit, toujours et partout de l’esprit, de l’esprit dans l’intrigue, et surtout de l’esprit dans les reparties ; il ne doit pas ouvrir la bouche sans qu’il en sorte une raillerie, une maxime, une réplique soudaine vive et brève. Il est donc spirituel, sans trêve ni rémission, à propos et hors de propos, quand la situation l’y force et même quand elle l’en dispense. S’il a un bon mot à placer, il conduit et détourne doucement le dialogue jusqu’à ce qu’un partenaire complaisant lui lance le volant et lui donne l’occasion d’un joli coup de raquette.

C’est ce qu’on appelle l’esprit de mot. Beaucoup d’auteurs comiques ont, depuis, voulu s’approprier le procédé de Beaumarchais. Parfois ils ont ainsi donné à leur dialogue une vivacité et un éclat factices.

Mais tout le monde, hélas ! n’est pas Figaro. Le joyeux cliquetis de la Folle journée est devenu un pénible ferraillement. Sur la scène est né l’agaçant personnage de l’« homme d’esprit ». Le raisonneur du vieux théâtre classique ne se targuait