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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/35

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SA VIE ET SES AVENTURES.

timent public maîtrisé et entraîné par l’audace, l’esprit et l’éloquence d’un admirable pamphlétaire.

Dès le commencement de sa carrière, Beaumarchais, nous l’avons vu, avait compris que, dans le désarroi de l’État, il n’était plus qu’une puissance : l’opinion. Ce fut à elle qu’il s’adressa. Par un hasard heureux, sa querelle éclatait à point, au milieu d’un grand trouble politique. Ses ennemis étaient presque des ennemis publics et la passion de tous conspirait en faveur de ses intérêts privés. Puis, à ce moment du xviiie siècle, le prestige de l’esprit était encore immense, et nulle part l’esprit de Beaumarchais ne fut plus alerte ni plus mordant qu’en ses mémoires contre Goëzman. Sa verve et son ironie devaient être plus fortes contre le Parlement Maupeou que les nobles et graves remontrances d’un Malesherbes.

En elle-même, l’affaire Goëzman, qui vint se greffer sur l’affaire de la Blache, n’était qu’un misérable procès assez ridicule, et le rôle qu’y jouait Beaumarchais était peu glorieux.

Incarcéré au For-l’Évêque, il avait été autorisé à sortir de prison pour visiter ses juges. Celui dont le suffrage importait par-dessus tout au plaideur, était le conseiller chargé du rapport, M. Goëzman, ancien conseiller au conseil souverain d’Alsace, appelé par Maupeou au Parlement de Paris. Or un certain libraire, Lejay, qui vendait les ouvrages de Goëzman, avait fait dire à Beaumarchais que, pour