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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/72

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BEAUMARCHAIS.

chevêque se plaignit, et le chansonnier dut désavouer ses couplets. Ajoutons, du reste, que tout le clergé ne partageait pas la sévérité de l’archevêque. On raconte qu’à la même époque, quarante ecclésiastiques de campagne se trouvaient à dîner chez le curé d’Orangis, près de Paris, et que tous convinrent qu’ils étaient venus voir le Mariage de Figaro.

Le plus acharné et le plus à craindre des ennemis coalisés était Suard, un protégé de M. de Miromesnil, le garde des sceaux, qui, selon la prédiction du roi, avait eu moins de crédit que Beaumarchais. Avant la représentation, il avait tâché de faire interdire la pièce ; après, il se déchaîna contre elle dans un discours, à l’Académie française, puis il inséra dans son journal des attaques anonymes. Le comte de Provence le poussait et le soutenait. Exaspéré, Beaumarchais finit par adresser une lettre aux rédacteurs du Journal de Paris. Il eut le tort d’y glisser cette antithèse malheureuse : « Quand j’ai dû vaincre lions et tigres pour faire jouer une comédie, pensez-vous, après son succès, me réduire, ainsi qu’une servante hollandaise, à battre l’osier tous les matins sur l’insecte vil de la nuit ? »

« L’insecte vil de la nuit », c’était Suard. Mais qui étaient ces lions et ces tigres ? Le roi et la reine, répondirent tout d’une voix les ennemis de Beaumarchais. Le comte de Provence expliqua au bon Louis XVI qu’il y avait là une allusion à sa personne ;