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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/73

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SA VIE ET SES AVENTURES.

et le plus admirable, ce fut que Louis XVI le crut. Sans quitter la table de jeu où il était assis, le roi écrivit au crayon, sur un sept de pique, l’ordre d’arrêter Beaumarchais et de le conduire à Saint-Lazare, prison où l’on enfermait alors les adolescents dépravés. Étonnant coup de force d’un monarque, débonnaire si jamais il en fut, et peut-être plus stupéfait qu’irrité de se voir comparer à un lion !

Le ridicule de ce châtiment humiliant divertit un moment les badauds aux dépens de Beaumarchais. Mais au bout de quatre jours l’opinion, d’abord amusée, lit volte-face et se révolta contre l’arbitraire du pouvoir. On s’empressa alors d’élargir Beaumarchais, qui fit quelques difficultés pour sortir de prison, réclamant des juges. On les lui refusa, mais on lui prodigua les compensations. Le lendemain du jour où il fut libéré, presque tous les ministres assistèrent à la représentation du Mariage de Figaro. Louis XVI ordonna qu’on jouât le Barbier sur le petit théâtre de Trianon, et la reine fit Rosine. Enfin Calonne remit à Beaumarchais 800 000 livres qui, à la vérité, lui étaient dues, comme indemnité des avaries subies par ses vaisseaux.

L’incident ne devait profiter à personne, ni au roi qui, une fois de plus, venait de donner la mesure de sa docilité à suivre l’opinion, ni à Beaumarchais qui, bon gré mal gré, devait garder le silence sur sa mésaventure : le coup cette fois était parti de trop haut.