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Page:Hallays - Beaumarchais, 1897.djvu/93

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SES DEUX RÉPUTATIONS.

n’était l’homme ni des noirs desseins ni des longues rancunes. « Tous les goûts agréables, disait-il, se sont trop multipliés chez moi pour que j’aie eu jamais le temps ni le dessein de faire une méchanceté. » Il disait vrai : il y avait en lui une bonne humeur active qui le poussait toujours en avant, sans lui laisser le loisir d’être jaloux, avare ou malveillant. Il était inépuisablement gai : voyez la joie que respirent ses comédies et l’ennui qui se dégage de ses drames. Dans ses mésaventures, dans ses procès, dans ses affaires même les plus graves, il trouva toujours matière à facéties, à chansons et à calembours. Ses amis, qui voyaient les périls de ce rire incessant, l’exhortaient à prendre sérieusement les choses sérieuses. Mais il n’avait pas assez médité cette remarque de La Bruyère : « Il n’est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer ». Il repoussait les conseils. Le pire des dangers, selon lui, était d’ennuyer. Sa gaîté ! c’était le grand argument qu’il invoquait toujours contre les diffamateurs.

Il était généreux. Il laissait rarement sans y répondre les demandes de secours dont il était assailli. Dans l’inventaire dressé après sa mort, il resta plus de neuf cent mille francs de créances, pour sommes prêtées à des malheureux qui appartenaient à toutes les classes de la société. Ses aumônes n’étaient pas toujours désintéressées ; et il avait sou-