Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/107

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À cette année 1546 on peut attribuer des Pèlerins d’Emmaüs qui sont dans une collection anglaise, et la belle réplique du même sujet qui est au Louvre.

Pour obéir à l’appel de l’Empereur, Titien malgré ses soixante-dix ans, se mit en route en janvier 1548 et passant les Alpes en plein hiver, arriva dans la ville d’Augsbourg où la Diète réunissait alors un concours extraordinaire de grands personnages. Charles-Quint lui fit l’accueil le plus flatteur, le recevant en particulier, et se plaisant à sa conversation. Des tâches considérables attendaient le maître, et peu d’époques furent plus remplies d’œuvres que les dix mois environ qu’il passa en Allemagne. La première et la plus importante fut un portrait équestre de Charles-Quint. L’empereur qui ne se lassait pas de voir ses traits reproduits par le moderne Apelle, voulut être représenté, en son harnais de guerre et sur son cheval de bataille, tel qu’il était à la journée de Mühlberg. C’est ainsi qu’il nous apparaît dans l’extraordinaire portrait du Prado, le plus saisissant et le plus hardi qui soit dans toute l’œuvre de Titien. Sous les brumes rougeâtres d’une matinée de printemps, seul dans la vaste plaine qui s’étend jusqu’aux collines de l’Elbe, l’empereur, cuirassé d’acier ciselé et doré, la visière relevée sur son visage résolu et blême, sort du bois au petit galop, la pique en avant. On dirait un redoutable insecte, une menaçante lamie ; on a la sensation d’un irrésistible en avant. La vision est soudaine et terrible ; la couleur elle aussi a quelque chose de sinistre. Les