Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/108

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rouges du panache, de l’écharpe, des harnais, jouant avec l’or des boucles et des ciselures, forment une harmonie guerrière, farouche et sinistre où la figure de marbre du César prend je ne sais quel aspect de fatalité inéluctable. Avec ce portrait de guerre, le Charles-Quint de Munich fait une vivante antithèse. L’Empereur vieilli, lèvres pincées, mine pensive, absorbé dans une méditation morose, vêtu de noir, seul près d’une fenêtre, est la plus forte, la plus expressive définition qu’on ait donnée du politique. L’intuition psychologique de Titien atteint là son plus haut degré. Comme sobriété de faire, c’est admirable, comme expression d’un caractère et d’une époque rien ne lui peut être comparé. C’est le génie même de l’histoire qui, ce jour-là, guida la main du peintre. Nombreux d’ailleurs sont les portraits que Titien exécuta dans ce séjour à Augsbourg. Toute la cour de Charles-Quint, son frère Ferdinand, roi d’Allemagne avec ses deux fils et ses cinq filles, la reine Marie de Hongrie, le prince Emmanuel Philibert de Savoie, Maurice de Saxe, le duc d’Albe, Nicolas Granvelle ; Charles-Quint voulut encore que Titien peignît les portraits des vaincus de Mühlberg, Philippe de Hesse et Jean Frédéric de Saxe, qu’il traînait prisonniers à sa suite. On ne saurait trop déplorer la perte de ces effigies aussi précieuses pour l’art que pour l’histoire. Titien avait représenté Frédéric en armure avec la cicatrice de sa blessure. Ce portrait a disparu, mais il nous reste de ce même corpulent personnage, que Lucas Cranach a représenté si souvent, un portrait en noir, et