Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/106

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et son expansion en enchaînements d’idées subordonnées seraient bien entendu, eux aussi nécessaires, et si étrangers à toute contingence qu’ils se feraient comme au-dessus de l’individu et sans l’intervention de l’individu. — Bien que Prantl ait essayé de retrouver une conception de ce genre dans Aristote[1] on peut affirmer qu’elle n’est pas aristotélicienne. Aristote a dit sans doute que la science est identique à son objet. Mais cette identité s’explique plutôt par l’absorption de la pensée dans son objet, que par le fait que l’objet serait lui y même, au fond, un moment de la pensée. Ensuite, Aristote n’étant pas notionaliste jusqu’au bout à la façon de Hegel, ou même de Platon, l’être sur lequel porte la métaphysique n’est pas le même que celui sur lequel portent les autres sciences et la logique : l’être de la métaphysique est une substance première ; l’être qu’atteignent les autres sciences en tant qu’elles raisonnent, et par conséquent l’être qu’atteint la logique, n’est jamais en somme que quelque substance seconde. Si donc on pouvait dire, en un sens, que chez Aristote la logique est la science de l’idée, il ne s’ensuivrait pas qu’elle serait la science de l’être. Ce serait plutôt le contraire. Enfin, un peu peut-être par le sentiment, qui ne lui est pas tout à fait étranger, qu’il y a au fond de l’individu de la liberté, et beaucoup par la raison qu’il est disposé, étant dans une certaine mesure empiriste, à faire une part à la contingence brute, Aristote, en fin de compte, distingue le connaître et l’être et estime que la connaissance est l’œuvre de l’individu, ou du moins qu’elle se fait dans l’individu et ne se laisse pas détacher de lui, si ce n’est par abstraction. C’est donc le savoir humain, et en tant qu’humain, que sa logique prend pour objet. À la vérité le savoir vise au nécessaire, mais c’est en l’extrayant du contingent, et la logique étudie les procédés, nécessaires en eux-mêmes, par lesquels le nécessaire est extrait du contingent. Mais ces procédés nécessaires s’accomplissent au milieu des opérations psychologiques de l’individu et ne s’en séparent que par abstraction. C’est pourquoi la logique, aux yeux d’Aris-

  1. Prantl, Geschichte der Logik, I, 136 ; cf. Zeller, p. 187, n. 4.