Mais il y a méprise : une opposition d’habitude et de privation, dont le sujet est indéfini, ne saurait être une contrariété, puisque le sujet d’une contrariété est défini. — Voici des difficultés plus graves[1]. Selon Aristote, ceux des contraires qui n’admettent pas de termes moyens s’excluent l’un l’autre en tout temps, tandis que l’habitude et la privation s’excluent seulement en un temps déterminé, savoir dans le temps où le sujet doit jouir de l’habitude. Mais, quand ce temps n’est pas arrivé, il ne peut être question ni d’habitude ni de privation, de sorte que la différence, indiquée par Aristote entre les contraires sans terme moyen et l’opposition de l’habitude et de la privation, s’évanouit. En second lieu, Aristote avance que, dans le temps où le sujet doit normalement jouir de l’habitude, il faut que le sujet ait l’habitude ou en soit privé, sans terme moyen possible, tandis que certains contraires admettent des termes moyens. Mais il n’est pas exact qu’il n’y ait jamais de terme moyen entre l’habitude et la privation : entre la vue et la cécité par exemple, il y a tous les degrés de l’amaurose. Ajoutons qu’Aristote a eu tort d’affirmer que jamais une habitude ne peut appartenir indéfectiblement à un sujet, comme le chaud au feu ou le blanc à la neige. Ailleurs en effet (De an. III, 13, 435 b, 4), il professe qu’il y a une sensibilité que l’animal ne peut perdre sans mourir, savoir la sensibilité tactile. Enfin il est inexact que le devenir ne puisse aller que de l’habitude à la privation : Chrysippe, en face de certains cas où la vue, après une disparition momentanée, était restaurée au moyen d’une ponction (παρακέντησις), se demandait s’il fallait appeler aveugles, pendant leur maladie, les malades qu’on pouvait ainsi guérir[2] ; quand l’homme perd ses dents de lait, une seconde dentition vient remplacer celle qui disparaît, etc. La nature est plus complexe que ne le suppose la doctrine d’Aristote sur l’opposition d’habitude avec la privation. Nous pouvons remarquer en
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Apparence