Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/157

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passant que, dans sa théorie de l’opposition, on saisit un des vices généraux de la philosophie conceptuelle, telle qu’il en use. Il entreprend d’appliquer aux choses les plus concrètes les concepts abstraits de sa théorie de l’opposition. Il ne songe pas qu’il faudrait commencer par analyser et définir les choses concrètes, et il met sur le même pied, comme exemples de contraires, avec le pair et l’impair, la santé et la maladie. — Quoi qu’il en soit d’ailleurs de cette remarque, il est certain que l’opposition de l’habitude avec la privation se distingue très mal de la contradiction et surtout de la contrariété. À vrai dire, il faut supprimer cette sorte d’opposition pour ne laisser subsister que l’opposition des relatifs, celle des contraires et celle des contradictoires.

Peut-être même faut-il supprimer une distinction de plus. Car il semble que les contraires se ramènent aux corrélatifs et que l’opposition de relation, prenant une importance qu’Aristote n’a pas soupçonnée, doit être regardée comme le type et l’élément fondamental de toute espèce d’opposition. Selon Aristote, on ne dit pas « la vue de la cécité », ni « le blanc du noir », tandis qu’on peut dire « le double de la moitié », ou réciproquement, et aussi « le connaissable pour la connaissance ». La différence vient, dans la pensée d’Aristote, de ce que les deux corrélatifs sont réels tous les deux, et l’un autant que l’autre, alors que l’un des contraires est négatif. Si l’on dresse, dit-il, une table de contraires, on s’aperçoit que l’une des colonnes ou séries d’opposés n’est que la privation de l’autre série : τῶν ἐναντίων ἡ ἑτέρα συστοιχία στέρησις (Métaph. Γ, 2, 1004 b, 27). Mais Aristote contredit ailleurs cette doctrine : dans le De generatione et corruptione (II, 2, 329 b, 24) il reconnaît au froid et au sec un pouvoir positif d’agir ; dans le De partibus animalium (II, 3, 649 a, 18) il convient que, dans certains cas, le froid est une nature et non une privation[1]. Du reste, c’est parce que les contraires sont réels tous les deux, que la contrariété ne se confond pas avec la contradiction.

  1. τὸ ψυχρὸν φύσις τις ἀλλ’ οὐ στέρησίς ἐστιν. Cf. Zeller, fin de la n. 7 de la p. 216 (p. 218).