Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/168

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notion du sujet qui renferme dans son contenu la notion de l’attribut ; et ce peut être au contraire la notion de l’attribut qui renferme dans son contenu la notion du sujet. Ainsi le sujet homme renferme dans son contenu l’attribut animal : et d’autre part les attributs pair, impair, droit, circulaire renferment dans leur contenu les sujets nombre ou ligne. Une troisième sorte d’attribut est celle qui n’est pas rattachée au sujet par un lien intrinsèque, et que désigne proprement le mot συμβεβηκὸς : telles sont pour l’animal la qualité d’être blanc ou la qualité d’être musicien[1]. Pour cette dernière sorte d’attribut il est évident qu’elle est en soi, dans l’ordre des choses et non pas seulement relativement à nous, πρὸς ἡμᾶς, séparable et parfois séparée de son sujet, que le lien, qui rattache l’attribut au sujet quand il y a lieu, est réel sans être interne ni intrinsèquement nécessaire. La multiplicité, dans un jugement comme « cet animal est blanc » ou « cet homme est musicien », a sa raison dans les choses, et, s’il y a quelque chose de surprenant dans les jugements accidentels, ce n’est pas qu’il y ait en eux de la multiplicité ; c’est qu’ils puissent recevoir de l’unité. Mais le cas des jugements constitués avec les deux premières sortes d’attributs est bien différent : ici l’attribut n’est pas en soi séparé ou séparable du sujet ; c’est la pensée qui sépare ce qui dans la réalité est uni. Pourquoi, maintenant, cette séparation dans la pensée ? C’est parce que la pensée qui juge n’est pas complètement, indépendante de la matière ; c’est parce que cette pensée est intermédiaire entre l’intelligible et le sensible. Nous aurons l’occasion de voir que la sensation, suivant Aristote, est, ou du moins veut être une intellection, mais qu’elle est astreinte à se produire en tel lieu, en tel temps et, en outre, dans des conditions qui impliquent contingence, qu’elle est donc bornée et coupée, non sans arbitraire, spatialement et temporellement, réduite à saisir des qualités isolées, quand même ce ne sont pas des qualités mutilées. De sorte que, si nous considérons le jugement

  1. An. post. I, 4, 73 a, 34-b, 5. Cf. Waitz, Organon II, 302-304. Voir aussi supra, p. 112 sq. et p. 119 sq.