Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/203

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ments seraient des créations subjectives de l’esprit et constitueraient, tout au plus, des signes tout à fait inadéquats des réalités auxquelles elles correspondent ; 2o parce que les rapports établis par l’esprit entre les notions, celles-ci fussent-elles objectives, ne seraient pas des rapports de même espèce que ceux qui sont à l’œuvre dans la nature. À prendre les choses de cette façon, Aristote refuserait complètement d’admettre que la logique est formelle, et qu’on puisse établir qu’une certaine détermination relève de la logique en disant que cette détermination est une pure question de forme. Non seulement il croît que les rapports sur lesquels roule la logique sont des rapports naturels, que la nature syllogise comme l’esprit ; mais il ne songe guère à douter que les notions prises pour termes de nos syllogismes puissent ne pas être adéquates. C’est sur un double acte de confiance dans les rapports et dans les notions que repose précisément la méthode de démonstration par les exemples, que nous avons vu Aristote employer dans la théorie du syllogisme ordinaire, que nous allons le voir employer dans la théorie du syllogisme modal. Lorsqu’une conclusion syllogistique s’accorde avec la conclusion tirée par la nature, le syllogisme est logiquement légitime ; si la nature ne conclut pas comme lui, c’est qu’il ne vaut rien. Ainsi, en donnant au mot de formel le sens qui vient de nous occuper, nous ne saurions dire, pour caractériser les modes, qu’ils sont aux yeux d’Aristote quelque chose de formel[1]. — Mais le mot de formel comporte une autre acception encore, et, quoique mal démêlée, c’est cette acception qui est au fond de la pensée que nous examinons et qui la rend en partie juste. Prenons la proposition et le raisonnement en eux-mêmes. Il est entendu qu’ils sont quelque chose d’objectif, et quant à leurs termes, et quant aux rapports de ces termes. Cependant, malgré leur commune objectivité, nous pouvons distinguer

  1. Zeller, p. 223, a grandement raison de dire que la nécessité et la contingence qu’Aristote a en vue dans sa théorie des modales concernent les choses, et non pas un aspect subjectif de la pensée qui juge.