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d’efforts, cette portion ardue des Premiers analytiques.

Aristote ignore l’emploi du mot τρόπος, courant chez les commentateurs, pour désigner les modes ou modalités. Il n’a même donné nulle part, semble-t-il, une définition de la modalité en général. S’il fallait en croire un grand nombre de commentateurs et notamment Ammonius, Philopon et Boèce, un mode serait un adverbe quelconque joint à la proposition simple. Ainsi : Socrate discute, proposition simple, deviendrait une proposition modale quand on dirait par exemple : Socrate discute bien. À ce compte, il y aurait une infinité de modes et de modales[1]. Mais cette conséquence, que les commentateurs en question avouent du reste, soulève une grosse difficulté qui amène à douter de la légitimité de leur définition. S’il y a une infinité de modes, pourquoi Aristote s’occupe-t-il de deux modes seulement, le nécessaire et le contingent ? Comment y a-t-il intérêt à parler de ces deux là, quand il faut bien négliger tous les autres ? Et, si cet intérêt est réel, d’où vient aux deux modes dont il s’agit leur privilège ? La vérité semble bien être qu’Aristote, et avec lui Alexandre, n’auraient jamais souscrit à la définition que nous venons de rappeler. Si Aristote traite de deux modes seulement, c’est sans doute qu’il n’y en a pour lui que deux, et non pas que ces deux ont un privilège. Pour expliquer qu’il y ait deux modes privilégiés, on a cru pouvoir leur reconnaître un caractère qui, croyons-nous, est essentiel à tout mode selon Aristote. Ce caractère, dit-on, c’est que les modes privilégiés concernent, non pas la matière, mais la forme[2]. — Il y a là une idée juste, à condition toutefois qu’on la présente autrement. En disant que la logique est formelle, il est possible d’entendre par là qu’elle n’a pas de valeur objective. Elle n’aurait pas de valeur objective : 1o parce que les notions qui servent de termes dans les raisonne-

  1. Voir Rondelet, Théorie logique des propositions modales, p. 10 et 12-14. — Ammonius in Hermen. 214, 25 sqq.230, 10 Busse ; Philopon, An. pr. 304, 28-30 éd. Wallies ; Boèce, in Hermen. 1re éd. II, 12 déb. (Migne, 64 II, col. 362 G).
  2. Ibid., p. 59-66 ; Alexandre, An. pr. 20, 2-4 ; 270, 1-28, 329, 31 sqq.