Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/243

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lequel on s’accorde. Elle n’a plus rien à voir avec l’art du dialogue. Et de son côté l’art du dialogue, et plus généralement l’art de raisonner sur des opinions, n’a plus pour but la découverte de la vérité.

Mais à la dialectique, ainsi restreinte à sa véritable notion, Aristote, et c’est ce qui nous reste à montrer, ne laisse pas de reconnaître un rôle encore considérable. Elle n’a pas directement pour objet la découverte de la vérité. Nous allons voir cependant qu’elle y contribue. Pour pouvoir jouer ce rôle, il faut d’abord que, si elle n’a pas le vrai pour objet propre, elle participe pourtant d’une certaine manière à la vérité. C’est effectivement ce qui a lieu. Aristote distingue avec soin la dialectique de l’éristique et de la sophistique, deux arts faux qui n’en font qu’un ; car Aristote définit le sophisme en l’appelant précisément « raisonnement éristique[1] ». Il y a presque la même distance entre un dialecticien et un éristique qu’entre un géomètre et un faiseur de fausses figures[2]. Qu’est-ce en effet qu’un discours éristique ou sophistique ? C’est celui qui raisonne juste en partant de prémisses qui n’ont que l’apparence d’être des opinions, car le plus léger examen découvre d’ordinaire que personne ne saurait sérieusement les professer ; ou bien c’est le discours qui, en partant d’opinions ou de soi-disant opinions, raisonne faux (Top. I, 1, 100 b, 23-101 a, 1 ; cf. IX, ch. 2). La dialectique participe donc de la vérité en ce qu’elle raisonne juste, et on peut même dire encore qu’elle en participe, ou approche d’en participer, en tant qu’elle a pour prémisses des propositions qui sont au moins plausibles[3].

Avant ainsi sa vérité partielle et relative, la dialectique, par ses trois usages, peut contribuer à la recherche ou, d’autres fois, à la transmission de la vérité. Les trois usa-

  1. Top. VIII, 11, 162 a, 16 : σόφισμα δὲ συλλογισμὸς ἐριστικός. Toute la différence est que l’éristique poursuit seulement la victoire dans la dispute, tandis que le sophiste vise la gloire ou la richesse. Top. IX (Soph. el.), 11, 171 b, 23-31.
  2. Ibid. 171 b, 34 : ὁ δ’ ἐριστικός ἐστί πως οὕτως ἔχων πρὸς τὸν διαλεκτικὸν ὡς ὁ ψευδογράφος πρὸς τὸν γεωμετρικόν.
  3. Top. I, 1, 100 b, 21 : ἔνδοξα δὲ τὰ δοκοῦντα πᾶσιν ἢ τοῖς πλείστοις ἢ τοῖς σοφοῖς…