d’autre part, elle aide à découvrir les premiers principes de chaque science. Une ἀπορία, c’est la mise en présence de deux opinions, contraires et également raisonnées, en réponse à une même question[1]. On sait que, pour Aristote, toute recherche scientifique doit être précédée d’un exposé des ἀπορίαι ; d’autant que la solution des difficultés (εὐπορία), suggérée par les difficultés, est la vérité même (Métaph.} Β, 1, déb.)[2]. De fait, on sait que les ouvrages d’Aristote commencent le plus souvent par une introduction consacrée aux ἀπορίαι : tels le livre I de la Physique, le livre I du De anima et le livre Β de la Métaphysique ou, pour mieux dire, tels les deux premiers livres de la Métaphysique, car l’histoire des doctrines dans le livre Α n’est pas autre chose qu’un premier recueil d’ἀπορίαι. D’une manière générale, l’historien chez Aristote est subordonné au dialecticien : il n’expose les doctrines de ses devanciers que pour en extraire les ἀπορίαι dont il a besoin pour préparer ses solutions. Cette fonction de la dialectique est, cela va sans dire, d’une extrême importance dans l’Aristotélisme. Et on peut dire qu’elle est importante aux yeux de l’esprit humain. En effet, nous avons ajouté à la critique dialectique d’Aristote une autre manière de mettre à l’épreuve les concepts scientifiques. Nous admettons que des concepts, qui ne sont pas seulement à la porte, mais à l’intérieur de la science, peuvent être insuffisants et sujets à réforme : c’est le développement même de la science et l’usage scientifique de ces concepts qui en décèle les imperfections. Aristote se faisait de la science une conception trop idéale et trop rigide pour songer à cette sorte de critique des concepts. Mais sa critique dialectique, non seulement a joué un rôle considérable à une époque où, n’inventant pas, on n’avait pas autre chose à faire que de pratiquer cette critique ; mais elle a
- ↑ Top. VI, 6, 145 b, 17 : … τῆς ἀπορίας δόξειεν ἂν ποιητικὸν εἶναι ἡ τῶν ἐναντίων ἰσότης λογισμῶν· ὅταν γὰρ ἐπ’ ἀμφότερα λογιζομένοις ἡμῖν ὁμοίως ἅπαντα φαίνηται καθ’ ἑκάτερον γίνεσθαι, ἀποροῦμεν ὁπότερον πράξωμεν. Cf. VIII, 11, 162 a, 17 (à la suite du texte cité au début de la n. 1, p. 231) : ἀπόρημα δὲ συλλογισμὸς διαλεκτικὸς ἀντιφάσεως.
- ↑ Voir les textes cités par Waitz dans son commentaire à An. post. II, 3, 90 a, 38 (Org. II, p. 381 sq.).