Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/282

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l’animal en biologie, de l’âme en psychologie servent sans cesse de principes d’explication. — Quant à la cause matérielle, si elle peut par exception intervenir en mathématiques (An. post. II, 11, 94 a, 24), il est clair que c’est en physique surtout qu’on y fait appel. Aristote emprunte le plus souvent des exemples de cause matérielle au domaine de l’art, parce que c’est son procédé constant de comparer la nature avec l’art : c’est pour cela qu’il dit que la matière, c’est l’airain d’une statue, l’argent d’une tasse, le bois d’un lit : aussi bien eût-il pu dire que la matière des métaux est l’eau (Méteorol. IV, 10, 389 a, 7), que la matière des os, des tendons et des poils est la terre (De an. I, 5, 410 a, 30). Mais la cause matérielle, pour Aristote, ce n’est pas seulement les matériaux dont une chose est faite, bien qu’il aime à insister sur le caractère d’immanence que possède la matière plus encore que la forme et qui fait de cette espèce d’ἀρχή, plus encore que de la forme, un στοιχεῖον ; par cause matérielle Aristote entend aussi tout ce qui est condition nécessaire de l’apparition d’un produit de la nature, ce sans quoi la chose ne serait pas, οὗ οὐκ ἄνευ[1]. Cela étend singulièrement le champ de la cause matérielle. Aussi la retrouverons-nous dans ce qui suit.

La cause matérielle et la cause formelle proprement dites sont des causes immanentes, des éléments des choses et non des déterminants du devenir, et c’est pour cela que, après Aristote et dès les Stoïciens, ce sont les principes qu’on a le moins volontiers considérés comme des causes. Quant à lui, Aristote s’est bien gardé d’omettre ce qu’on a regardé après lui comme les causes par excellence, savoir les principes extérieurs à l’objet produit et qui en provoquent seulement la production. Mais, comme nous le verrons, ces principes extérieurs, loin d’être pour lui les causes par excellence, ne sont encore que la forme et, quand l’un d’eux s’oppose à l’autre comme plus formel, la forme et

  1. Pour le premier caractère (par ex. Phys. II, 3, 194 b, 24 : αἴτιον… τὸ ἐξ οὗ γίνεταί τι ἐνυπάρχοντος), cf. Zeller, p. 327, n. 1 et Bonitz, Ind. 702 a, 18, 44 ; pour le second, Phys. II, 9, 200 a, 6, 9, 14 et Zeller, p. 331 et n. 1.