Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/293

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l’infinité est un caractère essentiel du temps. Ensuite les grandeurs mathématiques se divisent à l’infini. En troisième lieu on peut penser qu’il faut un infini pour alimenter sans fin la génération des substances. De plus on peut penser que toute limite suppose un au delà, de sorte qu’on s’avance sans fin au delà d’une limite, puis d’une autre. Enfin, comme la pensée va toujours de l’avant, la série des nombres, l’accroissement des grandeurs ou étendues mathématiques, la progression dans un espace extérieur au monde apparaissent comme autant d’infinis (Phys. III, 4, 203 b, 15-25).

Comment donc faut-il concevoir l’existence de l’infini ? L’infini existe-t-il en lui-même et par lui-même sans support d’aucune sorte, de façon à ce qu’il soit une substance ? Ainsi l’ont envisagé les Pythagoriciens et Platon. Mais l’infini n’est infini que s’il est divisible et constitué par une infinité de parties ; car autrement il ne s’opposerait au fini que comme appartenant à un autre genre : il serait infini comme la voix est invisible. Le véritable infini est donc divisible. Or la divisibilité n’existe que dans la grandeur ou dans la pluralité[1]. C’est dire que l’infini n’est pas une chose en soi, que c’est un simple attribut de la grandeur et du nombre (5 déb. à 204 a, 19 ; 4, 203 a, 4). Si d’ailleurs l’infini, en même temps qu’il serait une substance, était pourtant divisible, chacune de ses parties, retenant la nature de la substance à laquelle elle appartiendrait, serait elle-même infinie : de sorte que, dans l’unité de l’infini, il y aurait une pluralité d’infinis (5, 204 a, 20-26). L’infini existera-t-il donc en tant que qualité d’un support, ainsi que l’ont pensé, sans aucune exception, tous ceux des Physiologues qui ont cru à l’existence de l’infini (4, 203 a, 16) ? Contre cette thèse les arguments d’Aristote sont de deux sortes. Comme il entend examiner l’infini en physicien (5, 204 b, 1), c’est à ses arguments les plus physiques (φυσικῶς μᾶλλον 204 b, 10) qu’il attache le plus d’importance, et c’est d’eux qu’il parle en dernier lieu. Pour nous au contraire, ce sont les arguments les plus

  1. Phys. III, 5, 204 a, 11 : τὸ γὰρ διαιρετὸν ἢ μέγεθος ἔσται ἢ πλῆθος.