Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/295

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à-dire mathématique. Le second argument s’appuie sur la nature du nombre. Considérons, non pas la série des nombres, mais un nombre réalisé et existant par lui-même (κεχωρισμένος), un tel nombre ne peut pas être infini. En effet un nombre, c’est ce qui est nombrable ou ce qui est déjà nombre ; dans le cas même où un nombre est seulement quelque chose de nombrable, puisque ce nombrable peut, par définition, être nombre, le nombre n’est pas infini. S’il l’était, ce serait donc qu’on peut accomplir et achever le parcours de l’infini ; car nombrer, c’est parcourir (5, 204 b, 5-10). Et dans le VIIIe livre de la Physique, exposant une forme nouvelle qu’on avait donnée à l’argument zénonien de la dichotomie, Aristote dit : « de cette façon, quand le mobile a parcouru la totalité de la ligne, il arrive qu’il a nombre un nombre infini ; mais cela, d’un commun accord, est impossible[1] ». Ainsi il est démontré que l’infini n’existe pas, du moins au sens plein du mot exister.

Cependant il est impossible de nier d’une façon absolue l’existence de l’infini. En effet, si nous nous reportons aux cinq raisons que nous avons indiquées d’admettre l’infini, on voit que certaines se laissent écarter, et non toutes. Il n’y a pas besoin d’un infini pour alimenter la génération des substances, parce que cette génération est circulaire : la génération d’un élément est la corruption d’un autre : on passe ainsi sans fin d’un élément à l’autre (8, 208 a, 8-11). Il n’est pas exact que toute limite suppose un au-delà, attendu que être limité et toucher à autre chose sont des notions qui ne se confondent pas : car la première de ces notions ne signifie pas, comme la seconde, une relation (ibid., 11-14). La marche en avant de la pensée ne prouve rien quant à la réalité de l’infini ; car le fait de penser qu’un homme se trouve en dehors de la ville ne prouve pas qu’il se trouve effectivement à cet endroit (ibid., 14-19). Mais les autres raisons d’admettre l’infini subsistent. Il faut bien que le temps n’ait ni commencement ni fin, que les grandeurs se divisent en grandeurs à l’infini, que la série

  1. 8, 263 a, 9 : … ὥστε διελθόντος τὴν ὅλην ἄπειρον συμβαίνει ἠριθμηκέναι ἀριθμόν· τοῦτο δ’ ὁμολογουμένως ἐστὶν ἀδύνατον