Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/296

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des nombres soit infinie (ch. 6, déb.). La seconde de ces raisons surtout est puissante ; elle est la vraie raison d’être de l’infini. En effet la grandeur, c’est-à-dire avant tout l’étendue, ne se compose pas de points qui se toucheraient, puisque, se touchant, les points se confondraient, de sorte qu’avec autant de points qu’on voudra on n’aurait jamais qu’un seul point. Donc les points, dans la grandeur, sont séparés l’un de l’autre (cf. par ex. Gen. et corr. I, 3, 317 a, 11). Cela revient à dire que la grandeur est composée de parties qui sont situées les unes par rapport aux autres (Cat. 6, déb.), ou, comme nous disons en langage moderne, extérieures les unes aux autres. Mais des parties extérieures les unes aux autres ne feraient pas un tout, ou quelque chose d’un, si elles ne faisaient que se suivre, fût-ce en se touchant ; il faut encore qu’elles soient continues l’une avec l’autre[1], car la continuité consiste précisément dans l’identité de limite entre choses qui se suivent, une même limite étant terme d’une partie et commencement de l’autre[2]. Il suit de là, d’une part, qu’il n’y a pas de morceaux isolés l’un de l’autre dans une grandeur, mais, d’autre part aussi, qu’on pourrait partout opérer l’isolement de deux parties en dédoublant leur commune limite. En un mot une grandeur est essentiellement divisible à l’infini : il n’y a pas de lignes insécables (5, 206 a, 17). — Puis donc qu’on ne peut se passer de l’infini et qu’il ne peut non plus exister au sens plein, il faut lui reconnaître une existence inférieure à l’existence pleine, et cependant distincte du néant. Ce mode intermédiaire d’existence, qu’Aristote reconnaît d’une manière générale et dont la solution du problème de l’infini n’est qu’une application particulière, c’est la puissance. L’infini, qui ne saurait exister en acte, existe en puissance. Mais il faut voir de quelle sorte de puissance il s’agit. Une statue existe en

  1. Métaph. Κ, 12, 1069 a, 7 : … δῆλον ὅτι τὸ συνεχὲς ἐν τούτοις ἐξ ὧν ἕν τι πέφυκε γίγνεσθαι κατὰ τὴν σύναψιν.
  2. Phys. V, 3, 227 a, 10 : τὸ δὲ συνεχὲς ἔστι μὲν ὅπερ ἐχόμενόν τι [contigu ; le texte correspondant de Méta, l. cit., a, 5 ajoute ἢ ἀπτόμενον], λέγω δ’ εἶναι συνεχὲς ὅταν ταὐτὸ γένηται καὶ ἓν τὸ ἑκατέρου πέρας οἷς ἅπτονται, καὶ ὥσπερ σημαίνει τοὔνομα, συνέχηται.