Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/302

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nation du sens propre de l’expression « être dans » nous fait voir une fois de plus que l’espace n’est ni matière ni même forme (3, fin).

Grâce à cette préparation, nous voilà mis en mesure et en demeure d’apercevoir la véritable nature de l’espace. Nous touchons à la définition exacte, capable de rendre compte de toutes les propriétés et de résoudre toutes les difficultés que nous avons signalées (4 déb.). L’espace, avons-nous dit, est « comme un vase ». C’est là une métaphore sans doute, mais si juste qu’elle exprime adéquatement la nature de l’espace, à l’exception d’un seul trait. Un vase se transporte, l’espace non : un vase c’est un lieu transportable ; l’espace est un vase qu’on ne peut mouvoir[1]. Il n’y a qu’à traduire cette image en termes abstraits pour obtenir la définition cherchée : « L’espace est la limite immobile et immédiate du contenant[2] ». La proposition que cette limite est immédiate veut dire qu’elle enveloppe sans aucun intermédiaire le contenu. Il faut bien comprendre d’ailleurs que la limite, ainsi caractérisée, du contenant est contiguë (ἐχόμενον) et non pas continue (συνεχές) avec celle du contenu. Il ne peut y avoir ici continuité : il faut que le contenant et le contenu soient séparés l’un de l’autre, autrement il n’y aurait pas rapport de contenu à contenant mais de partie à tout. Mais, si la continuité est, comme nous le savons, une identité de limite, la contiguïté est simplement une coïncidence de limites[3], et la coïncidence n’empêche pas la dualité.

Cette définition de l’espace rend évidemment compte des propriétés et résout les difficultés signalées par Aristote. Parmi les difficultés qu’elle peut soulever à son tour, il y en a une qu’Aristote s’est efforcé de résoudre, mais dont, par

  1. 2, 209 b, 28 : δοκεῖ γὰρ τοιοῦτό τι εἶναι ὁ τόπος οἷον τὸ ἀγγεῖον ; 4, 212 a, 14 : ἔστι δ’ ὥσπερ τὸ ἀγγεῖον τόπος μεταφορητός, οὕτως καὶ ὁ τόπος ἀγγεῖον ἀμετακίνητον.
  2. 4, 212 a, 20 : … τὸ τοῦ περιέχοντος πέρας ἀκίνητον πρῶτον, τοῦτ’ ἔστιν ὁ τόπος.
  3. Ibid., 211 a, 33 : ἐν γὰρ τῷ αὐτῷ τὰ ἔσχατα τῶν ἁπτομένων. La contiguïté, c’est le contact joint à la consécution ; cf. Métaph. Κ, 12, 1069 a, 1 ou Phys. V, 3, 227 a, 6 : « ἐχόμενον » δὲ ὃ ἂν εξῆς ὂν ἅπτηται.