Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/304

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pourquoi sa doctrine de l’espace est plutôt une doctrine du lieu, conception unilatérale sans doute, mais nette et forte. Comme plus tard Leibnitz, il a laissé dans l’ombre, autant qu’il l’a pu, le caractère quantitatif de l’espace, ce qui répond d’ailleurs chez lui à la répugnance que nous lui avons vu éprouver contre l’infini.

C’est le même esprit que nous allons retrouver dans ses théories du vide, puis du temps.

Anaxagore s’est inutilement attaché à démontrer que le vide ne consiste pas dans l’absence de tout corps autre que l’air et que l’air est lui-même un corps. Le vide vrai, celui que tout le monde entend par le mot vide, c’est le vide de Leucippe et de Démocrite, une étendue (διάστημα) autre que les corps (6, 213 a, 22-213 b, 2). Bref le vide c’est le lieu privé de contenu, le lieu privé de corps (6 déb. et 7 déb.). Les deux grandes raisons qu’on croit avoir d’admettre le vide sont que, sans le vide, le mouvement serait impossible (6, 213 b, 4-7) et que, sans le vide, seraient impossibles aussi les changements de densité dans les corps. Comment expliquer par exemple que, dans un vase rempli de cendre, on puisse faire tenir encore autant d’eau que s’il n’y avait pas de cendre et, par conséquent, doubler la quantité de matière contenue dans le vase (213 b, 14-22) ?

Mais ces raisons ne valent pas, et l’existence du vide est plus qu’inutile : elle est inadmissible. Le mouvement local n’exige pas le vide ; car ce mouvement peut s’expliquer par le fait que certains des corps se retirent à mesure que d’autres avancent, les uns prenant la place des autres, comme il arrive dans les tourbillons qu’on observe dans les liquides (7, 214 a, 28-32). Le mouvement local n’est pas d’ailleurs le seul mouvement : l’altération, qui est la transformation en masse d’un corps donné sans transport de cette masse, resterait possible dans le plein en tout état de cause (214 a, 26-28). Et ce n’est pas tout. Bien loin d’être requis par le mouvement, le vide rendrait le mouvement impossible, et cela établit que le vide n’existe pas. Si l’on suppose un corps placé dans le vide, le vide, en s’ouvrant à lui, au lieu de le mettre en mouvement, l’empêchera de se