Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/319

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changement, et comment, aux négations partielles que ces conceptions impliquent, elle entreprend de substituer une affirmation pleine et entière. La négation absolue des Éléates n’avait été admise nulle part en dehors de leur école, mais on avait essayé par des conceptions bâtardes d’accommoder le changement avec la logique de Parménide. Les mécanistes, d’une part, et, de l’autre, quelques-uns des Socratiques, les Mégariques notamment, avaient adopté des conceptions de cette espèce. Selon les mécanistes, qu’il s’agisse d’Empédocle et d’Anaxagore ou bien de Démocrite, il n’y a rien de tel que ce qu’Aristote appellera l’altération : il n’y a, selon l’excellente formule d’Empédocle, que mélange et séparation d’éléments, en eux-mêmes immuables. Et, quant au mouvement local, sa nature est gravement atteinte, au moins dans l’Atomisme, par le fait que les mobiles sont des indivisibles qui ne peuvent se déplacer que tout d’une pièce. C’est précisément à bannir du changement la continuité, à le composer de limites sans intervalles, de κινήματα comme dit Aristote, que certains Socratiques, et notamment les Mégariques, se sont attachés. La doctrine des lignes insécables chez Xénocrate entraînait évidemment une doctrine discontinuiste du changement et Platon lui-même, le jour où il s’est mis le plus directement en face du problème, a répondu que le changement se faisait brusquement et sans transition dans l’instant[1]. Diodore Cronos ne fait qu’exprimer sous leur forme achevée de pareilles tendances quand il dit que jamais rien ne se meut et que le mouvement, à quelque moment qu’on l’observe, se présente toujours comme quelque chose de passé et d’accompli[2]. Les mécanistes et les Mégariques aboutissaient les uns et les autres à remplacer le changement par une succession d’états discontinus.

  1. Parmén. 156 d e : … ἡ ἐξαίφνης αὕτη φύσις… μεταξὺ τῆς κινήσεώς τε καὶ στάσεως, ἐν χρόνῳ οὐδενὶ οὖσα, καὶ εἰς ταύτην δὴ καὶ ἐκ ταύτης τό τε κινούμενον μεταβάλλει ἐπὶ τὸ ἑστάναι καὶ τὸ ἑστὸς ἐπὶ τὸ κινεῖσθαι.
  2. Pour les mécanistes, voir De gen. et corr. I, 8, notamment 325 a, 23-34 et b, 34-326 a, 12. Pour la théorie de ceux qui composent les mouvements avec des κινήματα, voir Phys. VI, 1, 232 a, 6-10, 240 b, 30-241 a, 6.