Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/318

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nes eux-mêmes, ou du moins à ce qui est leur fond commun, c’est-à-dire au changement.

Les Éléates avaient nié radicalement toute espèce de changement par cette raison qu’un changement quelconque serait, disaient-ils, création de ce qui n’est pas, ou annihilation de ce qui est, et que l’être, puisqu’il est, ne saurait ni sortir du néant, ni y tomber. La première tache que rencontre Aristote est donc de faire voir que le changement est possible et comment il l’est. Aux Éléates, ou à ceux de leurs imitateurs qui niaient la légitimité de l’attribution, Aristote répondait en distinguant plusieurs sens ou plusieurs aspects de l’être, en divisant l’être en plusieurs genres ou catégories. C’est d’une manière tout à fait analogue qu’il établit la possibilité du changement en général. Il ne fait que transporter au temps, pour ainsi dire, la pluralité de l’être. De même que l’être a plusieurs aspects simultanés, il a successivement plusieurs degrés de réalité. Si les anciens avaient connu cette vérité, ils ne se seraient pas effrayés devant la raison invoquée par Parménide pour nier le devenir. Ils auraient répondu que, sans doute, rien ne peut provenir du non-être absolu ni s’y abîmer, mais que tout peut sortir de ce non-être relatif que sont la puissance et la matière ; car la puissance et la matière sont du non-être sans doute, en tant qu’elles ne sont pas la chose que le devenir doit appeler à l’acte, mais elles ne sont pas un néant ; elles sont de l’être en tant qu’elles sont déjà quelque chose d’autre que ce qui va naître et même en tant qu’elles sont déjà comme une promesse et une ébauche de ce qui va naître (Phys. I, 8, surtout le début du ch.).

Mais, ainsi présentée, en tant seulement qu’elle fournit une solution générale au problème du devenir, la doctrine aristotélicienne est loin de livrer tout son sens. Il s’agit de comprendre qu’elle ne se borne pas à remplacer la négation éléatique par une affirmation quelconque du changement, et que, tout au contraire, elle vise à instituer le changement dans toute la profondeur que cette notion possède. Pour cela, il faut voir comment la conception aristotélicienne s’oppose aux conceptions incomplètes du