Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/32

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qui parle. De même, le style n’est plus celui de Platon : la phrase est trop logique, trop régulière ; ce n’est plus de la conversation, c’est du style oratoire et non exempt de recherche, ni d’apprêt. On ne s’étonnera guère, après cela, des jugements de Cicéron sur la langue d’Aristote : flumen aureum orationis fundens Aristoteles, écrit-il dans les Académiques (II, 38, 119), à propos, semble-t-il, du dialogue dont nous allons parler tout à l’heure ; il loue les « ornements » dont elle se pare (De fin. I, 5, 14), et il va même (ad Att. II, 1, 1) jusqu’à vanter les Aristotelia pigmenta[1] !

Le Περὶ φιλοσοφίας doit, semble-t-il, dater d’un peu plus tard. Il est encore écrit très brillamment et dans une manière qui veut être platonicienne : ainsi le fragment 14 renferme une transposition de l’allégorie de la caverne. Mais, pour le fond, Aristote est déjà plus lui-même[2]. D’abord Aristote se prononce contre la théorie des Idées et notamment contre les Nombres idéaux (fragm. 10 et 11) ; puis il affirme non seulement l’impérissabilité, mais l’éternité du monde a parte ante (fr. 17, 18). Il y donnait, paraît-il, une histoire du développement de l’humanité qui, tout en admettant les déluges périodiques, n’était plus platonicienne en ce qu’il n’y avait plus de commencement. Le goût de l’histoire et de l’érudition, en même temps que le sens critique, se montraient aussi dans cette partie du dialogue : ainsi, dans le fragment 9, les doutes sur l’authenticité des poèmes attribués à Orphée.

À côté des dialogues, mais en l’en distinguant, il faut mettre le Προτρεπτικός. Il n’est pas certain en effet que ce fût un dialogue, car l’ouvrage était, nous dit-on, non pas dédié, mais adressé à Thémison, prince de Chypre, non pas Θεμίσωνι προσγραφόμενος, mais πρὸς Θεμίσωνα γραφόμενος : ce qui s’expliquerait bien difficilement s’il s’agissait d’un dialogue.

  1. Il est vrai d’ajouter que, dans le second de ces textes, Cicéron ne fait pas de différence entre Platon et Aristote, auquel il joint Théophraste. Cf. p. 47, n. 4 et d’autres textes dans Zeller, 111, 1.
  2. Ainsi que l’établit Zeller, p. 59, n. 1, seconde moitié de la note (p. 60 sq.).