Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/395

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Aristote l’analyse avec soin et montre à ce propos comment l’homme emploie, pour retrouver ses souvenirs, ce que nous appelons les lois de l’association. Aristote connaît les trois lois de ressemblance, contraste et continuité[1]. — Sous le nom de mémoire, ou sous son nom propre, l’imagination est la faculté de l’âme immédiatement supérieure à la sensation. L’imagination est une sensation affaiblie, ou encore elle est une sensation dépouillée de sa matière, c’est-à-dire sans doute affranchie de la condition d’être hic et nunc, ou autrement dit, dépendante de tel sensible ; et on voit comment elle constitue un progrès et un élargissement considérables pour la vie de l’âme. Si l’on considère le côté physique du phénomène, il faut dire que l’imagination consiste en une trace laissée dans les sensoria par la sensation, ou plutôt encore dans un mouvement qui se continue après la sensation. Mais Alexandre fait justement observer que ce n’est pas là pour Aristote toute l’imagination, qu’elle est aussi quelque chose de mental et d’actif, à savoir l’acte de la faculté Imaginative elle-même[2]. Quelle que soit d’ailleurs la part de formalité et d’activité que puisse receler l’imagination, elle est passive par rapport à la fonction la plus élémentaire de l’intelligence proprement dite. Aristote marque avec force ce degré de sa hiérarchie. Cette fonction élémentaire, l’ὑπόλεψις, qui répond à peu près à ce que nous appelons jugement, atteint déjà l’universel et, d’autre part, comporte vérité et erreur, deux choses au-dessous desquelles l’imagination demeure. De l’ὑπόλεψις se différencie à peine la δόξα. Au-dessus de l’une et de l’autre, sont la prudence, φρόνησις, et la science[3].

Nous voilà parvenus à l’intellect, ou du moins à l’intellect discursif. Mais, avant de nous occuper de l’âme intellective en elle-même, nous devons nous placer un

  1. De mem. 2, et surtout 451 b, 18 : … τὸ ἐφεξῆς θηρεύομεν νοήσαντες ἀπὸ τοῦ νῦν ἢ ἄλλου τινός͵ καὶ ἀφ’ ὁμοίου ἢ ἐναντίου ἢ τοῦ σύνεγγυς.
  2. Voir Rodier, op. cit., II, 428-430 et Alexandre, De an. 68, 12-30 Br.
  3. Ibid. II, 403 sq. (ad 427 b, 15). Cf. aussi 494-497.