Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/396

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moment à un point de vue plus historique et moins descriptif que nous n’avons fait jusqu’à présent, et essayer d’indiquer quelle est, selon Aristote, l’évolution de la connaissance. Il va de soi qu’Aristote ne distingue pas entre l’histoire psychologique de la pensée et ce que Fichte en appellerait l’histoire pragmatique, et qu’il s’attache surtout à ce qui intéresse la théorie de la connaissance. Toutefois, de quelque façon qu’on l’entende, la connaissance a pour Aristote une évolution, qui est distincte de l’analyse statique à laquelle nous nous sommes livrés avec lui en traitant de la logique. Pour Aristote toute connaissance commence avec l’expérience ou, pour mieux dire, avec la sensation, avec la sensation en tant qu’elle s’exerce ici et maintenant et paraît avoir pour objet un individu[1]. Car Aristote repousse la réminiscence platonicienne ou, en général, l’innéité proprement dite, et, selon lui, le problème du Ménon se résout tout autrement (An. pr. II, 21, 67 a, 21). Toute connaissance part d’une connaissance antérieure : mais cela ne signifie pas que toute connaissance suppose une autre connaissance toute faite. Le problème du devenir de la connaissance se résout par les mêmes principes que celui du devenir en général. Nous avons vu que, grâce à l’être en puissance, nulle réalité ne venait du non-être pur, tout en pouvant cependant, en un sens encore très positif, commencer d’être. Pareillement nulle connaissance ne sort d’un néant de connaissance ; mais la connaissance en acte sort de la connaissance en puissance. La connaissance universelle est en puissance dans la connaissance individuelle et sensitive. L’individu commence par la sensation et actualise peu à peu l’universel que la sensation contient en puissance. Des images semblables fusionnent et forment ainsi une image composite ou, si l’on aime mieux, une routine. Et c’est là un premier universel, auquel il ne manque plus que d’être saisi et posé comme universel. De même que, ontologiquement, les formes intelligibles sont dans les

  1. An. post. II, 19, 100 a, 17 : … αἰσθάνεται μὲν [sc. ἡ ψυχή] τὸ καθ’ ἕκαστον, ἡ δ’ αἴσθησις τοῦ καθόλου ἐστίν, οἷον ἀνθρώπου, ἀλλ’ οὐ Καλλίου ἀνθρώπου. Cf. De an. III, 7 déb. et infra, p. 398 sq.