Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne voit pas très bien comment l’action libre diffère, soit d’un fait de pur hasard, soit d’une action déterminée par la raison. Peut-être la pensée d’Aristote est-elle déjà celle que plus tard exprimera ouvertement Alexandre, à savoir que la liberté est un remède à la contingence et que l’action libre est une initiative violente par laquelle le sujet se remet sous la loi de la raison, en sautant par dessus les lacunes dont souffre à certains moments le déterminisme rationnel dans le monde sublunaire[1]. Dans tous les cas,

    μὲν οὖν ἀρχὴ προαίρεσις, ὅθεν ἡ κίνησις ἀλλ’ οὐχ οὗ ἕνεκαμ προαιρέσεως δὲ ὄρεξις καὶ λόγος ὁ ἕνεκά τινος. b, 4 : διὸ ἢ ὀρεκτικὸς νοῦς ἡ προαίρεσις ἢ ὄρεξις διανοητική, καὶ ἡ τοιαύτη ἀρχὴ ἄνθρωπος. La προαίρεσις consiste en un choix entre nos désirs raisonnés quant aux actes qui sont en notre pouvoir et qui sont particulièrement nos actes moraux, ibid. III, 5 (3), 1113 a, 9 : ὄντος δὲ τοῦ προαιρετοῦ βουλευτοῦ ὀρεκτοῦ τῶν ἐφ’ ἡμῖν, καὶ ἡ προαίρεσις ἂν εἴη βουλευτικὴ ὄρεξις τῶν ἐφ’ ἡμῖν· ἐκ τοῦ βουλεύσασθαι γὰρ κρίναντες ὀρεγόμεθα κατὰ τὴν βούλευσιν. 7 (5), 1113 b, 6, 11, 15 : ἐφ’ ἡμῖν δὴ καὶ ἡ ἀρετή, ὁμοίως δὲ καὶ ἡ κακία. ἐν οἷς γὰρ ἐφ’ ἡμῖν τὸ πράττειν, καὶ τὸ μὴ πράττειν, καὶ ἐν οἷς τὸ μή, καὶ τὸ ναί… εἰ δὲ ἐφ’ ἡμῖν τὰ καλὰ πράττειν καὶ τὰ αἰσχρά, ὁμοίως δὲ καὶ τὸ μὴ πράττειν, τοῦτο δὲ ἦν τὸ ἀγαθοῖς καὶ κακοῖς εἶναι, ἐφ’ ἡμῖν ἄρα τὸ ἐπιεικέσι καὶ φαύλοις εἶναι… μακάριος μὲν γὰρ οὐδεὶς ἄκων, ἡ δὲ μοχθηρία ἑκούσιον.. L’homme est le principe et le père (ἀρχή, γεννητής) de ses actions, comme il l’est de ses enfants : il n’y a pas lieu de remonter à d’autres principes παρὰ τὰς ἐφ’ ἡμῖν· ὧν καὶ αἱ ἀρχαὶ ἐν ἡμῖν, καὶ αὐτὰ ἐφ’ ἡμῖν καὶ ἑκούσια. Cf. Zeller, p. 587-589 : Bonitz, Ind. 633 b, 43 ; 268 b, 23 ; Rodier, op. cit., 87, 90 (ad 406 b, 25).

  1. Ce n’est pas dans le De fato qu’il faut chercher l’exposition la plus forte et la plus profonde de la doctrine d’Alexandre sur la liberté, mais plutôt dans les deux sections du De anima liber alter qui sont intitulées τὰ παρὰ Ἀριστοτέλους περὶ τοῦ ἐφ’ ἡμῖν (169, 33-173, 16-175, 32 Bruns ; cf. Ravaisson, Essai, II, p. 309 sq.). Il y a, dit-il en substance, du non-être répandu et mélangé dans les êtres. Certes le domaine de ce non-être est réduit : c’est le domaine des faits rares (τὸ επ’ ἔλαττον), par opposition à tout ce qu’il y a dans l’univers de fréquent (τὸ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ) ou même de nécessaire : c’est en outre seulement le domaine, si peu étendu, du monde sublunaire. Or c’est ce non-être qui fait la corruptibilité des êtres qui sont dans ce monde, leur faiblesse et leur infirmité ; c’est lui qui les empêche d’exister et de rester toujours dans le même état. Cette part de non être, quand elle se rencontre dans les causes extérieures à nous, donne naissance à la fortune et au hasard (ἡ τυχή, τὸ αὐτόματον) ; quand elle se rencontre dans les causes qui sont en nous-mêmes, elle fait qu’il y a des choses qui sont en notre pouvoir (τὰ ἐφ’ ἡμῖν) et dont les opposés sont