Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/410

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nous nous rappelons à ce propos ce que nous avons dit (p. 247) des axiomes, qui ne se répètent pas, mais se correspondent d’un genre à l’autre de l’être et trouvent dans cette correspondance une suffisante universalité, nous voyons qu’il résulte de la dernière considération à laquelle nous venons de nous attacher, comme cela résultait déjà des précédentes, que la science ne réclame pas pour objet aux yeux d’Aristote des universaux proprement dits. Elle se passe parfaitement de l’élément extensif dans les genres, et elle se passe même aussi des genres.

On arrive à un résultat identique en prenant les choses à l’envers pour ainsi dire, et en portant son attention, non plus sur ce qui est propre, mais au contraire sur ce qui est impropre, selon Aristote, à servir d’objet à la science : « on ne peut pas savoir par le moyen de la sensation », « la sensation porte sur l’individuel, la science sur l’universel[1] ». Ainsi ce qui est impropre à servir d’objet à la science, c’est le sensible ou l’individuel. Or qu’est-ce que le sensible ou l’individuel ? Sans doute, en un sens, c’est le singulier, et c’est même ce mot qui traduit le plus littéralement l’expression aristotélicienne καθ’ ἕκαστον. Cependant il faut examiner s’il s’agit bien du singulier comme singulier. Nous avons vu tout à l’heure Aristote dire qu’on ne définit pas ὃσα μοναχά, et telle est la manière vraiment précise et sans ambiguïté dont il convenait de désigner le singulier comme singulier. Mais nous avons vu aussi que cette singularité, comme telle, n’allait pas, en fin de compte, jusqu’à empêcher la définition et la science. Nous devons donc ne pas entendre trop facilement dans le sens extensif les expressions par lesquelles Aristote indique la raison qui empêche à ses yeux la sensation de donner la science : « Bien que la sensation, dit-il, ait pour objet ce qui est de telle espèce et non cette chose particulière, néanmoins il est inévitable que ce soit cette chose ici et maintenant qui

  1. An. post. I, 31 déb. : οὐδὲ αἰσθήσεως ἔστιν ἐπίστασθαι. De an. II, 5, 417 b, 22 : … τῶν καθ’ ἕκαστον ἡ κατ’ ἐνέργειαν αἴσθησις, ἡ δ’ ἐπιστήμη τῶν καθόλου.