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que dans la bibliothèque de Nélée. Une assertion négative de ce genre est en principe bien plus difficile à avérer que l’assertion d’un fait positif. Nous sommes peut-être en présence d’une méprise de Strabon, dupe de quelque hyperbole de Boéthus. On ne lisait guère l’Aristote scientifique, même dans l’École péripatéticienne dégénérée. La découverte d’Apellicon serait venue remettre à la mode cet Aristote. Peu connu avant cette découverte et les travaux d’Andronicus, il sera devenu, pour Strabon, tout à fait inconnu. Songeons, du reste, que par là Strabon se donnait une explication de la médiocrité notoire dans laquelle était tombée l’École péripatéticienne. Quoi qu’il en soit, il n’est pas admissible que les œuvres scientifiques d’Aristote aient disparu à la mort de Théophraste. Les raisons abondent pour l’établir. Indiquons d’abord l’ordre dans lequel nous présenterons les principales. Il y a une raison négative et des raisons positives : parmi celles-ci, l’une est indirecte ; les autres sont directes et, soit générales, soit spéciales.

La raison négative est le silence qu’ont gardé, sur la découverte d’Apellicon, les commentateurs et les écrivains qui se sont occupés d’Aristote. Comment Simplicius, qui aime l’érudition, comment Alexandre lui-même n’ont-ils rien dit de cette découverte, si, avant elle, l’Aristote scientifique était vraiment perdu ? Comment surtout Cicéron, qui parle souvent d’Aristote et qui a si bien connu Tyrannion, n’a-t-il rien dit de cette renaissance d’Aristote ? Enfin Hermippe, dans son livre sur Aristote, n’aurait pas manqué de raconter la disparition romanesque des écrits d’Aristote, et Diogène aurait, encore moins, manqué d’en reproduire le récit[1].

Parmi les raisons positives, la raison indirecte est celle qui résulte de la fondation d’une grande bibliothèque à Alexandrie. Nous avons déjà eu l’occasion (p. 14 sq.) de rappeler l’ardeur que des faussaires mettaient à fabriquer, parce qu’ils comptaient sur un bon prix, de prétendus ouvrages d’Aristote. Ils ne l’auraient pas fait s’il avait été

  1. Zeller, p. 142 et 146, n. 3.