Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/90

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dans l’ordre du savoir, à côté de la régression Platon essaie, peut-être même avec le sentiment de son importance supérieure, la progression du simple vers le complexe et de l’universel vers le particulier. C’est pourquoi aussi, dans l’ordre de l’être, il a déjà le sentiment de l’importance de la cause finale, c’est-à-dire de la subordination des parties au tout ou du simple au complexe. Mais sa méthode de division et sa conception des causes finales sont, en même temps peut-être que les plus intéressants, les points les plus délicats du système.

Voilà en somme où en était la philosophie du concept au moment où Aristote a commencé de penser par lui-même. Il se rattache à cette philosophie avec pleine conscience. Le point de vue des anciens est à ses yeux un point de vue dépassé, et il se compte lui-même parmi les Platoniciens[1]. Il se rattache à Platon par son idée de l’objet de la science et par sa méthode. En effet l’objet de la science pour Aristote, ce qui est ἐπιστητόν, c’est bien l’élément conceptuel des choses, et même c’est souvent cet élément en tant que conçu sous l’aspect de l’universel, c’est-à-dire de ce qui est commun à plusieurs. La science saisit dans une espèce, qui est elle-même de l’universel encore, une hiérarchie de genres qui, à plus forte raison, sont tous des universaux. D’autre part, les opérations de la nature, celles du moins qui sont saisissables et n’ont pas leur principe dans un arrière-fond mystérieux, sont pour Aristote des processus logiques et, dans celle de leurs parties qu’il considère volontiers comme la plus essentielle, des régressions du complexe au simple. Pour ce qui est de la méthode, elle est, d’une manière générale, chez Aristote comme chez Platon, logique et notionnelle : c’est-à-dire qu’elle vise à définir et à enchaîner des concepts. Elle est raisonnante, au point de paraître quelquefois raisonneuse. Et, si nous considérons le procédé qui est propre à Aristote, la démonstration, nous voyons qu’il s’appuie sur le concept et que, après tout, il n’est que la réalisation d’un idéal plus ou moins confusément entrevu par Socrate.

  1. Cf. Zeller, II 2³, 15, 3 et supra, p. 8, n. 1.