radicalement la pensée de ce qui n’est pas elle ; sa physique est mécaniste dans le sens plein du mot ; le critérium de la certitude est pour lui l’évidence ; il estime qu’il faut commencer par le doute ; son système est une construction d’apparence analogue à celle de la géométrie, partant d’un petit nombre de propositions accordées et procédant du simple au composé. Or ces cinq caractères ne se retrouvent que rarement ou imparfaitement chez les prédécesseurs immédiats de Descartes.
Songeons d’abord aux philosophes de la Renaissance. Leur métaphysique, qu’ils le veuillent ou non, est uniformément panthéistique, celle du cardinal de Cusa comme celle de Bruno, celle de Césalpin, soi-disant disciple d’Aristote, comme celle de Marsile Ficin qui fait profession de Platonisme. Or, une métaphysique panthéiste est moniste, et, comme précisément il a fallu Descartes pour rendre possible un monisme de la pensée, un monisme idéaliste, la métaphysique des philosophes de la Renaissance n’est et ne pouvait être qu’une confusion perpétuelle de l’essence pensante et de celle qui ne pense pas, le règne des entités demi-spirituelles et demi-matérielles. Mettons que cette confusion de la pensée avec ce qui n’est pas elle ait suggéré a contrario la distinction cartésienne. Il reste que, même de cette manière, les métaphysiciens de la Renaissance n’auraient pas, aussi proprement qu’on le croirait, contribué à l’avènement de cette distinction. Car il est juste d’accorder qu’ils ont une fougue panthéiste peut-être sans égale chez leurs devanciers, qu’ils ont donc mis une énergie particulière à concevoir partout des espèces d’âmes matérielles. Mais ils n’ont fait, somme toute, qu’amplifier, après les Stoïciens et les Alexandrins, l’idée aristotélicienne de la forme et de l’art inconscient de la nature. — Leur physique, en raison de leur monisme, ne faisait qu’un avec leur méta-