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Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/55

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du savoir démonstratif ou du moins prouvé, idée à laquelle paraît s’être tenu M. Renouvier, est trop étroite. Ce n’est pas d’une seule manière, à savoir par le syllogisme proprement dit, c’est-à-dire par la régression, que l’on démontre : il y a plusieurs types de preuve. Dès lors pourquoi une même chose ne serait-elle pas, mais en des sens divers, le principe qui sert à en prouver une autre et, d’autre part, la conséquence de celle-ci ? Sans doute il resterait que cet ensemble circulaire est, quant à lui, sans justification extérieure : mais la question était de savoir si tout ne pouvait pas se justifier à l’intérieur du cercle. Il nous semble que pour établir l’existence indispensable d’un élément empirique dans la méthode de la critique de la connaissance, M. Renouvier n’aurait pas dû invoquer simplement l’existence inévitable d’un cercle en général et dans l’abstrait, mais bien la nécessité où nous sommes de partir de notre connaissance telle qu’elle est subjectivement et d’y revenir[1]. On comprendra tout à l’heure pourquoi il a répugné à embrasser ce dernier parti.

Mais reprenons avec lui l’histoire de l’esprit qui cherche. Nous composons et décomposons donc par la pensée, et en cela même consiste l’exercice de la pensée. Que composons-nous et décomposons-nous ? Sont-ce des idées, des mots ou des choses ? Pour ne rien préjuger, disons que ce sont des choses. Seulement ayons le soin de donner à ce terme de choses son sens familier et naturel, faisons-lui dire tout sans spécifier rien : c’est le moyen d’écarter les systèmes. Or, au sens vague et familier du terme, les choses c’est tout ce dont on parle, tout ce à quoi on pense d’une façon quelconque. Autrement dit, c’est tout ce qui se manifeste, tout ce qui apparaît, ce sont les phénomènes. Notre pensée est faite de choses et les choses sont ce que nous pensons. La pensée se définit par les choses et les choses par la pensée. Exprimons ce cercle dans son ensemble en disant que nous posons des représentations.

  1. Comparer avec le passage du Système de Descartes qui est une transposition de la même idée dans l’ordre ontologique (à propos du cercle cartésien, p. 141-142) et comparer aussi avec celui de l’Essai (2e édition, pp. 401-404 et 505-513) qui exprime la même idée dans le domaine de la théorie de la connaissance.