Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/214

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à un rôle purement passif, où l’on finirait par être forcé de se rendre.

Law n’opposa à ces objurgations qu’un air distrait et la froideur d’un homme qui a pris son parti ; il finit par répondre qu’il savait ce qu’il faisait ; qu’en restant où l’on était, on allait à un désastre ; qu’il avait pour mission d’assurer le salut de l’armée ; qu’enfin Chanda-Saïb était parfaitement libre de garnir les épaulements qu’on quittait. Désespéré, le nabab s’écria que si Dupleix était présent, nul n’oserait commettre de telles lâchetés, et, les larmes aux yeux, il déclara qu’il allait à la mort en suivant la fortune des troupes françaises, mais qu’il aimait mieux périr que de déserter le drapeau d’un pays à qui il devait tout. Le soir même, l’armée traversait le Cauveri et établissait ses bivouacs dans l’île de Sheringam. Law avait agi avec tant de précipitation qu’il avait abandonné la majeure partie des approvisionnements ; on brûla une immense quantité de voitures de vivres, pour ne pas les livrer à l’ennemi. Le temps n’était pas loin où l’on regretterait amèrement une telle imprévoyance. L’effet moral de la retraite fut désastreux ; le Français n’a confiance que lorsqu’il va en avant. Le soldat ne vit point dans la largeur du fleuve une protection contre l’impétuosité de Clive ; il n’y vit qu’une barrière élevée à dessein entre son audace et Trichinapaly ; il méprisa son chef.

L’humble avait raison. Sheringam, sous le feu de la forteresse, n’était défendable qu’à la condition d’avoir la possession incontestée des deux rives du Cauveri et de la route qui va à Pondichéry. C’était, en un mot, une position à couvrir en opérant à distance ; mais Law ne