Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/24

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ractère maussade, d’une parcimonie qui n’avait d’égale qu’un despotisme atrabilaire, pesant lourdement sur les siens. L’idéal de ce financier têtu, ce fut de faire de son fils un négociant parfait. Il résolut donc de créer chez l’enfant un caractère et des inclinations commerciales. Avec son dédain pour l’âme, il juge cela facile. Il ne montre à son fils que ce qui peut favoriser les goûts qu’il désire voir éclore, il écarte avec soin les sensations capables d’amener des penchants contraires. Il met tout en œuvre pour étouffer les élans d’enthousiasme, de passion, de générosité ; il lui représente enfin toutes les choses de la vie sous un jour positif. Chose étrange ! tout en prenant une physionomie un peu maladive, l’esprit de l’enfant ne s’atrophia point sous cette contrainte, mais se révolta.

L’adolescent ressentait l’attraction des grandes choses ; il se passionnait pour les sciences, la poésie, l’art. Il connaissait déjà les longues méditations solitaires. Il s’enfuyait dans la campagne avec un livre ou s’enfermait avec un violon et se laissait emporter par les chimères d’un sentiment poétique exalté. Quand il retombait sur la terre, lassé de ses rêves, affamé du besoin de se prendre corps à corps avec quelque chose de palpable, il se jetait avec fureur dans la réalité des mathématiques et dans l’étude de la fortification. Il devenait de plus en plus distrait et taciturne. Tout cela mettait le père en fureur. « Passe encore pour les mathématiques, disait-il, mais la fortification et le reste ! » surtout le reste. Il ne voyait dans son fils qu’un fieffé prodigue et un fou. Pour rompre ces goûts qu’il détestait, le fermier général ne trouva rien de mieux que