pour les armées indiennes, avait fait place à une circonspection alarmante. Il était découragé. Il ne s’indignait pas à la pensée de la retraite ; il en parlait comme de l’opération la plus simple, la plus naturelle ; elle lui semblait la seule ressource.
Il y avait une explication et une excuse à cette défaillance du général. La froide raison et la perspicacité de Ragnoldas n’étaient plus là pour le soutenir. Le brame avait été assassiné. Bussy n’avait plus de guide fidèle pour l’aider à se débrouiller dans ce dédale d’intrigues qui agitent sans cesse une cour orientale. Il était en butte, depuis plusieurs mois, aux coups d’une hostilité puissante et insaisissable ; il marchait littéralement sur un terrain semé de chausse-trapes. C’étaient des difficultés qui s’élevaient à propos de tout. Bussy était d’autant plus irrité qu’il ne savait à qui s’en prendre ; il ne soupçonnait pas que l’auteur de toutes ces machinations, c’était le successeur de Ragnoldas, Saïd-Lasker-Kan, un traître qu’il avait élevé au poste de grand vizir de Salabet-Singue. Bussy était las d’une lutte sans objet avec la dissimulation et la fourberie froides.
En outre, l’anarchie régnait dans le Dékan. Les nababs n’obéissaient pas à Salabet-Singue, et l’on ne pouvait pas les soumettre. Le trésor était vide, et l’on n’avait aucun moyen pour le remplir. Les impôts ne rentraient pas ; les gouverneurs de province ne les levaient pas ou gardaient pour eux les contributions perçues. L’armée indigène mal payée, mal commandée, se révoltait fréquemment. On était en retard de plusieurs mois pour la solde des troupes françaises.