— et pour cela il fallait des troupes et une escadre. Il montrait toute la situation aux directeurs et les adjurait de ne prendre conseil que de l’énergie.
Dupleix attendait avec impatience la réponse à ses supplications. Soumises aux caprices des flots, aux lenteurs de la distance, les instructions du conseil de Paris arrivaient enfin. Elles ressemblaient à une raillerie. On lui annonçait l’ouverture des hostilités entre la France et la Grande-Bretagne ; on lui expliquait les motifs de la guerre, qui avait pour cause la succession d’Autriche, et on lui déclarait que les secours qu’il avait si instamment réclamés ne paraissaient point à la Compagnie être d’une urgence absolue pour le maintien de notre puissance coloniale dans l’Inde, qu’on pouvait arriver au même résultat en signant, avec le gouverneur des établissements anglais, un traité qui assurerait la neutralité des deux compagnies et leur permettrait de continuer leur commerce au milieu de la conflagration universelle ; qu’au reste, comme il fallait tout prévoir, on donnait en même temps l’ordre à La Bourdonnais de se porter avec son escadre dans les eaux de Pondichéry.
Il fallait une certaine dose de naïveté pour écrire de pareils ordres. L’antagonisme de race et d’intérêts, dissimulé au début sous la forme d’une concurrence commerciale entre les deux compagnies, était devenu, à mesure que les comptoirs se transformaient en forteresses, de l’hostilité à peine déguisée. Le Carnate n’offrait plus un champ assez vaste à l’activité des Français et des Anglais, qui y étouffaient. Les deux nations s’y livraient à une guerre de chicanes et de perfidies