Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/57

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dans la controverse, à grouper les faits avec l’art le plus perfide et le plus dangereux ».

Bon manœuvrier, tacticien excellent, marin audacieux, nul n’est plus apte que lui à conduire une escadre, à la faire triompher dans le combat. Au bruit du canon, son cœur s’affermit ; il oublie ses petitesses et ne pense qu’à la victoire. Dans la fumée de la poudre, il garde le sang-froid. Il a des talents d’organisateur. Est-ce donc un amiral ? C’est bien plutôt un corsaire ; car, pour agir, il faut qu’il soit seul, avec le pouvoir absolu, loin du regard de toute autorité. Ce qu’il lui faut, c’est l’isolement dans une île, où il peut tout régenter à sa guise ; c’est le commandement d’un équipage hardi et aventureux comme lui, séduit, selon son expression même, par l’audace d’un grand coup à faire ; c’est enfin le pont d’un navire muni de lettres de marque et armé pour la course ; alors il sera magnifique de décision et de puissance, puisqu’il n’aura plus à redouter de rival, puisqu’il n’aura plus à se plier sous les lois d’une hiérarchie insupportable à son orgueil.

Tout différent est Dupleix. Il est grand avec simplicité, sans peine, par la force de sa nature même. C’est un disciple de Zénon, qui reste élégant dans son stoïcisme et le cache sous l’affabilité. Dans la vie privée, il est simple et facile. Il goûte le charme du foyer et ressent pour sa femme un amour profond ; elle fut véritablement la moitié de lui-même ; il l’associa à ses plans, elle partagea tous ses travaux, toutes ses ambitions. Il est père à la façon de Henri IV, et comme le Béarnais, il est bien capable de faire faire à ses enfants le tour du salon, à cheval sur son dos.