Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/93

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elle pouvait tout. Une conquête nous restait, Madras, mais bien menacée, précaire. Anaverdikan, ne pouvant obtenir la remise de la ville qu’on lui avait cédée solennellement, se croyant dupe, exaspéré, s’était allié avec les Anglais, et malgré les efforts et la diplomatie de Dupleix, mettait en mouvement une armée nombreuse dont une partie campait déjà à quelques kilomètres de Madras. Lui livrer la ville sans la démanteler, c’était une trahison. Le premier acte du nabab eût été de la vendre aux Anglais. La démanteler devant lui était impossible. On avait donc la perspective d’une guerre à soutenir sur terre et sur mer ; on pouvait déjà prévoir le moment, où Madras, et Pondichéry seraient bloqués à la fois par les troupes du nabab et les marins anglais, et pour résister aux efforts de la coalition, il y avait à Pondichéry 500 Européens, 1,500 cipayes, et à Madras 500 blancs, 600 soldats indigènes.

Le sentiment général était qu’on allait à une défaite. Ce monde d’employés et de fonctionnaires de la Compagnie désirait la paix. Chacun en secret accusait le gouverneur de témérité et d’imprudence. Cependant on se contentait de murmurer. Les passions attendaient le dénoûment pour maudire Dupleix et le rendre responsable de l’incapacité et de la lâcheté de tous, ou pour se prosterner devant lui et l’adorer comme un victorieux.

Comme le pilote, tout entier à la manœuvre, reste insensible aux gémissements des passagers, Dupleix demeurait calme. S’il ne se dissimulait pas le péril, avec son sang-froid, sa netteté de coup d’œil, il voyait les moyens d’assurer la victoire. Certes la coalition était