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Page:Hannon - Au pays de Manneken-pis, 1888.djvu/9

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Et conservent aux équipées,
Intacte, leur mince raison.
Ô désespérantes poupées
Dont le ventre est rempli de son !

Elles n’ont ni désir, ni rêve,
Ni rire intelligent, ni pleur :
Ces piteuses fillettes d’Ève
Ont croqué la pomme en sa fleur.

II

 
Artistes, mes frères, poètes,
Idéalisons nos plaisirs
En ne livrant jamais aux bêtes
Nos insatiables désirs !

L’esprit épanouit le vice,
Il faut fuir la banalité :
Que la maîtresse nous ravisse
Beaucoup par son étrangeté !

Il est de ces femmes bizarres…
Dans leurs terribles arsenaux
Étincellent des armes rares
Que recuirent d’âpres fourneaux.

Leur regard aigu, c’est un glaive
Jusqu’aux moelles vous transperçant,
De leur chevelure s’élève
Un parfum sauvage et puissant.

Leurs caresses sont des blessures
Qui font saigner l’âme longtemps,
Et leurs baisers sont des morsures,
Leurs larges baisers éclatants !

Sur leurs chairs aux nerveuses formes
Plane un fumet subtil et fort.
Mieux que les pâles chloroformes
Il vous enivre, il vous endort,

Il vous berce sur des cadences
D’une irrésistible langueur…
— Mais, ô farouches confidences
Se chuchotant de cœur à cœur,