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La Grand’Place de Dixmude.


V.

Le premier engagement à l’Yser


Le lieutenant Verhoef se trouvait avec ses hommes dans une tranchée derrière l’Yser.

Les Allemands s’étaient beaucoup rapprochés ce jour. Des lanciers du 3me régiment franchirent la rivière et firent une reconnaissance. Les soldats ne pouvaient pas faire usage de leurs armes à feu.

Actuellement que les Allemands occupaient Gand, Bruges et Ostende, ils tenteraient de gagner la France par la côte.

Les Belges devaient les arrêter jusqu’à ce que les Français arriveraient.

Mais où restaient-ils donc, les Français ? C’était la question que chacun se posait. Ils avaient pourtant à défendre Dunkerque, leur forteresse.

Verhoef frémissait en songeant à la bataille imminente. Il craignait la lutte, maintenant qu’il avait goûté pendant quelques instants les charmes d’une vie d’intérieur.

Et puis, les effectifs et leur rendement étaient disproportionnés depuis cette hâtive retraite d’Anvers. C’était une réorganisation quasi complète qui s’imposait. Et où transporterait-on les blessés ? Il n’y avait qu’une seule voie ferrée, qui ralliait le front à Furnes et à Dunkerque, et la première partie n’était nullement à l’abri du feu ennemi. Et comment procéderait-on pour fournir régulièrement les munitions, les vivres et les provisions ?

C’était dans ces conditions qu’il faudrait donc à nouveau entreprendre la lutte avec un ennemi très supérieur en nombre !

Pourtant les soldats étaient pleins de bonne volonté. Verhoef écoutait leur babillement, leurs rires ; ils semblaient réellement remis de cette lourde et fatigante retraite.

On entendit le bruit d’une cavalcade. Les lanciers revenaient de leur reconnaissance.

— Ce sont des fiers soldats, dit Verhoef.

Ils étaient comme figés en selle, droits et robustes, bien armés et leur face dénotait une expression de témérité et de mépris de la mort. Ils étaient lancés à fond de train sur l’immense prairie. Ils approchaient à toute vitesse et passant comme un éclair le pont sur l’Yser, ils entrèrent dans la ligne de front.

Soudain on entendit une violente explosion, le pont avait sauté et la petite rivière clapotante devint dès lors la ligne de démarcation entre les armées belges et allemandes, elle joua un rôle mémorable et devint renommée par toute l’Europe.

Le canon tonna… Les Allemands bombardaient le retranchement belge, mais au bout d’une demie heure, le feu cessa…

La soirée fut calme, mais chacun savait que la situation était grave.

Et le lendemain on put apercevoir un ballon captif au-dessus des retranchements allemands, et des Taubes, qui faisaient des reconnaissances.

Verhoef ne put s’empêcher d’adresser encore un salut au pays de Furnes… L’immense contrée unie, coupée de petites rivières, ornée de vieilles fermes et de robustes tours, s’étalait encore en toute sa calme magnificence ; et cette fois, la guerre, semant la mort, la destruction, le pillage et l’incendie, éprouverait également ces belles landes.

Le bétail courait comme d’habitude par centaines dans les prés, les paysannes aux joues rubicondes étaient sorties ce matin encore pour traire les vaches, et en maintes fermes le beurre était battu, ainsi qu’au temps de la paix.

À huit heures l’artillerie entra en action, elle augmenta bientôt d’intensité, et peu après son concert se propagea de la côte jusqu’à Dixmude,


Joffre, le Silencieux
Il ne dit rien, mais chacun l’entend.