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faisant trembler Nieuport, Dixmude et Furnes dans leurs fondations.

Les batteries belges répondirent et dans les tranchées les fantassins tenaient prêts à résister obstinément à une attaque éventuelle des Allemands.

Il s’agissait de tenir tête pendant 24 heures, et les Français arriveraient au secours. Telle était la version.

Il n’y eut pourtant pas d’attaque en cet endroit, pendant la matinée.

Les canons tonnaient lourdement, les obus sillonnaient bruyamment dans l’espace et éclataient avec un bruit assourdissant… Le bétail courait craintivement dans les prés, et ci et là une vache ou un bœuf, tombant foudroyé, battant l’air de ses pattes, beuglait sa douleur et maculait l’herbe de son sang.

Les Belges étaient à l’affût. Une charge d’infanterie allait suivre… Elle se déclancha à 3 heures de l’après-midi.

On vit les Allemands avancer en colonnes dans les prairies. L’artillerie belge les prit sous feu et fit de fortes brèches dans leurs rangs, mais elles furent rapidement comblées.

L’artillerie allemande redoubla d’activité.

Un obus atteignit la digue de la tranchée, où Verhoef haranguait ses hommes à battre tantôt vaillamment l’ennemi… L’éboulement ensevelit les soldats, qui furent enterrés vivants.

— Vite, aidez-les ! cria le lieutenant, qui se mit immédiatement à la besogne, insouciant des obus qui éclataient à proximité avec fracas.

On travaillait d’arrache-pied pour sauver les victimes de l’asphyxie.

Les Allemands se déployèrent en tirailleurs, ils avançaient en sept colonnes, à la file indienne.

— Feu ! cria-t-on.

Chaque soldat avait des cartouches à profusion et ne cessait de faire feu… Une rangée d’Allemands tomba, une deuxième, une troisième… les autres hésitèrent, s’arrêtèrent, quoique leurs officiers les chassaient devant eux, à l’aide du sabre et du revolver, leur ordonnant d’entrer plus avant dans le feu, de courir à la mort. Mais une salve partit, faisant une nouvelle hécatombe d’Allemands, et cette fois ceux qui restaient, s’enfuirent, pendant que les Belges poussaient des hourras à l’occasion de cette première tentative avortée.

La prairie était parsemée de morts et de blessés et ceux qui avaient encore la force, rampèrent dans l’herbe, jusqu’à ce qu’ils furent secourus par leurs frères d’armes, les autres succombèrent en des douleurs atroces.

Les Belges avaient aussi des blessés, qui criaient et appelaient à l’aide ; mais il était impossible de les secourir sous cette grêle de bombes, qui s’abattait sans cesse et leurs camarades dans la tranchée devaient être sur leurs gardes, lors d’une nouvelle attaque.

Verhoef en était sorti indemne et félicitait ses hommes, qui laissaient refroidir leurs fusils.

Au chaud de la mêlée il n’avait pensé qu’à l’ennemi, qu’à la bataille, mais soudain il vit sa fiancée, et ce fut comme s’il reçut un coup en plein cœur.


De ce beau pays il ne reste que des ruines.

Sa crainte, sa tristesse lors du dernier adieu… Et il était maintenant dans cet enfer, où la mort fauchait avec fureur, où les blessés se contorsionnaient de douleur et il était impossible de les secourir.

Où serait Berthe à présent ?

À Dixmude le canon tonnait également.

Sa fiancée s’était-elle enfuie ? Ou est-ce que M. Lievens était resté chez lui avec ses antiquités, endossant une responsabilité terrible et exposant ainsi sa vie et celle de son enfant ?

Verhoef avait la conviction que la bataille serait terrible, plus terrible que celles livrées jusqu’à ce jour ; celles de Louvain, de Malines et de Termonde ne pourraient même plus être comparées à la lutte tragique et titanesque, qui allait se dérouler et qui visait la défense du dernier lopin de terre de la patrie sanguinolante…

On espérait que les Français ne tardassent plus à arriver !…

On savait parfaitement que c’était la forteresse de Dunkerque, qui était visée et on ne s’expliquait pas le retard des troupes françaises ; l’heure était pourtant critique.

La lutte avait commencé à l’Yser. Au loin des flammes sortaient d’une ferme et d’un moulin, symbolisait l’œuvre de la destruction. La mort vorace avait déjà fait des victimes, mais elle en exigeait davantage.

Les journaux allemands clamaient que l’armée