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La bataille de Tervaete

Les flammes rougeoyaient le ciel et la voix hideuse du canon se fit entendre à nouveau.

Une attaque à Tervaete était complètement avortée… mais que de sacrifices cela n’avait-il pas coûtés !…

Verhoef ne parvenait pas à tempérer sa nervosité…

Les idées se heurtaient dans son cerveau…

Il entendait des bruits courts et vifs, scandés par un roulement prolongé, et ce n’étaient d’autres voix que celle de la mort et de la destruction. Et ainsi il pensa au passé.

La destruction !

Des villes et des villages devaient disparaître et les flammes opéraient leur œuvre néfaste… Oh, malheureux bourgs et villages de Slijpe, Mannekensveere, St Georges, Middelkerke, Lombardzijde et Westende, littoral infortuné, qui groupait de si jolies villas et de si charmantes maisons et petites fermes.

Que de fois ne les avait-il admirées. Ce n’était plus que des cendres maintenant, des misérables ruines fumantes qui avaient englouti des fortunes et des vies de labeur.

Où étaient-elles, les coquettes habitations de pêcheurs, entourées de riants jardinets ; clôturées de petites haies qui protégeaient contre les bourrasques de sable ?

Plus, rien, tout avait disparu ; c’était l’affreuse nudité d’une plaine morne.

Lorsque jadis, la tempête faisait rage et que les vagues déferlaient dans les dunes, agenouillés devant la statue de la Vierge, la femme et les enfants priaient pour la vie du père, du fils ou du frère qui était en mer…

Maintenant ils ont prié pour que le fléau de la guerre les épargnât.

Mais les bombes, les shrapnells et les obus ont chassé les habitants vers de plus paisibles régions.

Les moulins dont les ailes tournaient alertement ne forment plus qu’un amas de décombres fumantes. C’est la guerre…

Les moulins, les cloches se sont tus, on n’entend plus que la voix du canon et elle est bien plus terrible qu’en 1600.

Verhoef regarda à nouveau vers Dixmude. Il craignait pour sa fiancée… Si elle ne s’était pas enfuie !…

— Oh, Allemagne, qu’as-tu fait de la Belgique, qu’as-tu fait de notre peuple ! cria-t-il en fureur, et soudain des larmes lui jaillirent en pensant à ses malheureux compatriotes, à sa patrie sanglante et ruinée…



VIII.

Le transport des blessés.


Le fermier Deraedt, qui habitait près d’Eessen, n’avait pas voulu fuir. Il resta à la ferme avec sa femme, et il était décidé à se réfugier dans la grande citerne à purin — qui avait été nettoyée pour l’occurence — dès que son habitation serait engagée dans la ligne de feu.