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Et le triste convoi s’ébranla lentement à travers la campagne, ne s’arrêtant ni aux pleurs, ni aux gémissements. Pas à pas, tristes et mornes, les chevaux avançaient, la tête basse, jetant de temps à autre un regard attristé sur leur maître.

Deraedt n’était pas seul à convoyer des blessés ; de nombreux fermiers devaient accomplir la même besogne et c’était un triste défilé de charrettes à banne, transportant d’infortunés guerriers.

Et dans les pays centraux on se laissait conter que l’Allemagne luttait pour la civilisation et la paix mondiale !



IX.

À l’Yser.


En son œuvre « Un régiment belge en campagne », le commandant Willy Breton, a ébauché en quelques pages captivantes les épisodes incomparables de la glorieuse bataille à l’Yser, et nous avons cru bien faire en relevant quelques particularités de sa superbe narration :

À la date où l’armée belge s’établissait sur l’Yser, réduite à 80,000 hommes, avec 48,000 fusils seulement, elle fut obligée, malgré sa faiblesse, de garnir d’abord un front de 36 kilomètres, depuis la mer jusqu’à Boesinghe, où elle se reliait à des territoriaux français.

Du 15 au 18 octobre, la 5e division séjourna pour sa part dans la région de l’Yperlée, au sud de Dixmude. Le 2e chasseurs se rendit successivement à Wercken, puis à la lisière septentrionale de la forêt de Houthulst où, le 15 octobre, il fraternisait à Jonkershove avec des fusiliers marins. Soldats français et belges s’acclamaient, le rire aux lèvres, ne songeant guère à ce moment que, quelques jours plus tard, ils allaient répandre ensemble le plus noble sang du monde, dans les tranchées de Dixmude.

Le lendemain 16, l’ennemi révélait sa présence pour la première fois. Tout au début de la nuit, la compagnie cycliste de la 16e brigade, établie en grand’garde près de la forêt, sous les ordres du capitaine Demart, était assaillie par une auto-mitrailleuse allemande, en reconnaissance, que le crépitement de la fusillade fit aussitôt déguerpir.

Cette petite alerte à peine passée, le 2e chasseurs se repliait vers l’Yperlée, avec mission d’y établir une tête de pont dans la région de Luyghem. Deux jours durant, les hommes travaillèrent ferme à creuser des tranchées, qu’ils n’auront du reste pas à défendre eux-mêmes. Car, le dimanche 18, la situation générale ayant permis de rappeler la 5e division en réserve vers le nord, le 2e chasseurs quittait Reninghe, où il avait cantonné, pour se diriger vers Oostkerke,  par Lampernisse et Loo.

Nos hommes n’avaient pas vu grand’chose de l’ennemi jusqu’alors. Ce jour-là, ils eurent soudain l’intuition de l’orage menaçant. Depuis le matin, en effet, le canon tonnait violemment au nord de Dixmude. Keyem était attaqué et rageusement défendu. La vraie bataille de l’Yser s’engageait.

La lutte avait revêtu de suite un caractère de grande violence. Bien que Keyem, d’abord enlevé par les Allemands, leur eût été repris, il fallait redouter un retour offensif contre les défenseurs très éprouvés.

Aussi, de bon matin, le 19 octobre, le 2e chasseurs était-il dirigé vers la région de Stuyvekenskerke pour y fournir son appui éventuel à la 4e division. Mais une autre mission l’amena bientôt à se rassembler, aux environs de Caeskerke, afin de participer avec sa propre division — la 5e — à une opération hardie qui, mieux que des renforts, devait soulager les frères d’armes aux prises avec des difficultés croissantes. Cette opération consistait à sortir de Dixmude pour tomber, de concert avec les fusiliers marins, dans le flanc de l’ennemi qui progressait dans la région de Keyem et de Beerst.

Prenant la tête de la 5e division, les 17e et 1e brigades mixtes dépassèrent le 2e chasseurs qui se mit en route à son tour, vers 3 heures de l’après-midi, franchit le pont de l’Yser et, par Dixmude déjà bombardée, se porta jusqu’à Eessen, durant que se dessinait l’attaque des fusiliers marins, du 3e chasseurs et du 1r de ligne.

On sait que les débuts heureux du mouvement désemparèrent l’ennemi. Mais on se souvient aussi que l’arrivée à Roulers de forces allemandes considérables obligea les fusiliers français et les troupes de notre 5e division à regagner la rive gauche de l’Yser, sous la protection de la brigade Meiser (11e et 12e de ligne) qui avait occupé la tête de pont de Dixmude. Ce repli forcé ramena nos chasseurs à Lampernisse vers minuit. L’après-midi, leurs yeux s’étaient réjouis au spectacle des goumiers pittoresques, montés sur leurs petits chevaux nerveux et drapés dans leurs uniformes aux couleurs chatoyantes. Leur retour, dans la nuit pluvieuse et lugubre, s’éclaira des sinistres lueurs des incendies qui dévoraient Vladsloo.

Le lendemain, 20 octobre, le 2e chasseurs vint réoccuper, en réserve, sa position de rassemblement près de la gare d’Oostkerke. De Dixmude arrivait un bruit de bataille, dont l’intensité s’amplifia pendant l’après-midi. Le corps d’armée allemand, venu de Roulers, commençait les attaques qu’avec un acharnement inouï il allait poursuivre, une semaine durant, contre la tête de pont.

Celle-ci était défendue à ce moment, sur la rive est de l’Yser, par les 11e et 12e de ligne, sur la rive ouest par la brigade Ronarc’h. La protégeant au sud contre tout enveloppement, le 4e chasseurs tenait la rivière canalisée, dans la région de St-Jacques-Cappelle. On lui adjoignit, le 20 octobre, à 14 heures, le 1r bataillon du 2e chasseurs, sous les ordres du vaillant major Delbauve.