Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/109

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Ils me demandèrent s’ils seraient mangés : je ne pus rien leur répondre, sinon que cela dépendait de la volonté de Dieu et de Notre Seigneur Jésus-Christ ; et que, puisqu’ils m’avaient protégés jusqu’ici, eux-mêmes pouvaient espérer d’obtenir la même faveur par leurs prières.

Ils me demandèrent ce qu’était devenu leur cousin Jérôme. Je leur répondis que les Indiens étaient en train de le faire rôtir, et que j’avais déjà vu dévorer le jeune Ferrero. Ils se mirent alors à pleurer ; et je tâchai de les consoler, leur représentant qu’il y avait déjà huit mois, comme ils le savaient bien, que j’avais été fait prisonnier, et que cependant je vivais encore ; que Dieu ferait la même chose pour eux ; et qu’ils devaient être bien moins effrayés que moi, qui, né dans un pays lointain, n’étais pas accoutumé aux mœurs barbares, tandis qu’ils étaient nés dans cette contrée et y avaient passé leur vie. Mais ils me répondirent que je ne faisais plus attention à la souffrance, parce que j’y étais accoutumé.

Pendant que je cherchais à les consoler, un sauvage s’approcha de moi et m’ordonna de rentrer dans ma cabane, me demandant ce que j’avais tant à leur dire. En les quittant, je les exhortai encore à se soumettre à la volonté divine : ils me répondirent que puisqu’il fallait toujours mourir une fois, ils s’y soumettraient de bonne grâce ; et que ce qui les consolait c’était de m’avoir avec eux. Je sortis alors, et je me mis à parcourir le camp pour voir les prisonniers : personne ne faisait attention à moi.