Page:Hans Staden - Des hommes sauvages nus feroces et anthropophages, original 1557.pdf/117

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Comment les Indiens dévorèrent le second des chrétiens qui avaient été tués.
CHAPITRE XLVIII.

Dès que Parwaa eut réuni tout ce qu’il lui fallait, il fit préparer la boisson qui devait être consommée en mangeant le corps de Jérôme, et il rassembla les sauvages. Quand ceux-ci se furent enivrés, ils firent amener les deux frères dont j’ai parlé, ainsi qu’un nommé Antonio, qui avait été pris par le fils de mon maître, et ils nous firent boire avec eux. Mais, avant de boire, nous eûmes soin d’adresser notre prière à Dieu, le priant d’avoir pitié de son âme ainsi que de la nôtre quand notre heure serait venue. Les sauvages riaient et se réjouissaient, mais nous souffrions beaucoup. La fête recommença le lendemain jusqu’à ce que tout fût dévoré.

Le même jour ils m’emmenèrent pour me donner en présent. Quand je pris congé des deux frères, ils me supplièrent de prier Dieu pour eux. Je leur enseignai la route qu’ils devaient suivre pour traverser les montagnes sans qu’on pût retrouver leurs traces s’ils parvenaient à s’échapper. J’ai appris depuis qu’ils avaient trouvé moyen d’en profiter et de prendre la fuite, mais j’ignore encore aujourd’hui s’ils ont été repris.


De l’endroit ou les sauvages me conduisirent pour me donner.
CHAPITRE XLIX.

Nous nous mîmes donc en route pour Tackwara Sutibi, l’endroit où ils voulaient me donner. Après avoir marché pendant quelque temps, je me retournai, et je vis un nuage noir qui s’étendait sur leur village. Je le leur montrai, en leur disant que mon Dieu était irrité contre eux parce qu’ils avaient dévoré des chrétiens.

Quand nous fûmes arrivés à ce village, ils m’offrirent en présent à un chef, nommé Abbati Bossange, en lui disant de ne pas me faire de mal et de ne pas souffrir qu’on m’en fît, car mon Dieu punissait cruellement ceux qui me maltraitaient ; ce qu’ils avaient eu occasion d’éprouver pendant le temps que j’avais passé parmi eux. Je lui dis, de mon côté, que mon frère et mes amis devaient venir avec un vaisseau plein de marchandises, que j’en donnerais à ceux qui me traiteraient bien, et que mon Dieu m’avait promis qu’il arriverait bientôt. Cela leur plut beaucoup. Le roi m’appela son fils, et m’envoya à la chasse avec les siens.


Comment les Indiens de ce village me racontèrent que le vaisseau, dont j’ai parlé plus haut, était reparti pour la France.
CHAPITRE L.

Les sauvages me racontèrent que le vaisseau français, dont j’ai parlé plus haut, et qui se nommait Maria Bellete de Dieppe, était reparti après avoir complété son chargement en bois du Brésil, poivre, coton, plumes, singes, perroquets, etc. : qu’il avait pris dans le port de Rio-Janeiro un vaisseau aux Portugais : que le capitaine avait livré un de ceux qui le montaient à un chef, nommé Itawu, qui l’avait dévoré ; et que le Français, qui, comme je l’ai déjà raconté, avait dit aux sauvages qu’ils pouvaient me manger, s’y était embarqué pour retourner dans son pays. Ce vaisseau périt dans la traversée ; et quand j’arrivai en France, personne ne savait ce qu’il était devenu, ainsi qu’on le verra plus bas.


Comment quelque temps après que je fus dans ce village il y vint un autre vaisseau français, nommée la Catherine de Vatteville, qui me racheta, et comment cela arriva.
CHAPITRE LI.

Il y avait environ quinze jours que j’étais dans ce village de Tackwara-Sutibi, au pouvoir du roi Abbati Bossange, quand quelques sauvages accoururent pour m’annoncer qu’ils avaient entendu des coups de canon, et qu’il devait certainement y avoir un vaisseau à Iterronne, que l’on nomme aussi Rio-de-Janeiro. Je les priai de m’y mener, et je leur dis que peut-être mon frère y serait. Ils y consentirent ; néanmoins ils me gardèrent encore quelques jours.

Cependant le capitaine français, ayant appris que j’étais dans le village, y envoya deux de ses hommes, accompagnés de quelques chefs avec lesquels il était allié. Ils entrèrent dans la cabane d’un chef, nommé Sowarasu, près de laquelle je me trouvais. Les sauvages vinrent bientôt m’annoncer leur arrivée. Je courus au-devant d’eux, plein de joie, et je les saluai dans la langue des sauvages.